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lundi 26 juillet 2010

Les démons de la danse sont en moi


J'ai une confession à faire à tous ceux qui me connaissent très bien. Pendant longtemps, j'ai fait partie d'une secte. Je fais encore partie de cette secte, mais mon association avec ladite secte devrait prendre fin prochainement parce que j'ai péché. En fait, dès que le gourou de la secte lira ce qui suivra, je serai expulsé de la secte et mon droit de pratiquer sera révoqué.

Ceux qui me connaissent très bien savent à quel point je déteste danser. Ma confession est la suivante: si j'ai refusé autant comme autant de danser au cours des dernières années, c'est parce que je fais partie de la "Secte des ennemis de la danse".

Je sais que je ne suis pas supposé révéler les secrets de l'organisation. Mais comme je quitterai la secte sous peu parce que j'ai récupéré mon indépendansce spirituelle, je n'ai plus peur du gourou de la secte, Steeve-Garry Piché-Dubé junior. SGPDJR, pourchasse-moi si tu veux, je m'en fous; les secrets de ta secte, je les révèle au grand jour.

Attention, ça va faire mal. Depuis 1997, soit depuis mon arrivée dans la région métropolitaine de Montréal, je fais partie de la secte. Une fois par mois, nous nous rencontrons dans le sous-sol de Tommy-Davey Blackburn-Bérubé, à Chomedey, pour maudire cette culture de la danse. L'habit des membres de la secte est tout ce qui a de plus classique: un t-shirt de loup en coton ouaté, une froque de cuir Budweiser, des jeans verts avec de l'eau dans la cave et des loafers en suède brun achetés chez Pitt sur St-Hubert. Le but de la soirée est assez simple. On boit du "cream soda", on écoute du vieux Poison et on prie Ozzie en détruisant les VHS de "Bouge de là" de 1994. Malade comme ça fait sortir le méchant!

Mais 13 ans plus tard, j'ai réussi à me défaire du cercle de dépendance de la secte. Et c'est à Kuala Lumpur, plus particulièrement au Mumbai Se, que j'ai trouvé la lumière et ai réussi à mettre cette haine de la danse derrière moi. Et pour ça, je devrai remercier mes amis indiens pour le reste de mes jours.

Parce que grâce à mes amis indiens de Kuala Lumpur, j'ai découvert les boîtes de nuit punjabi. C'est quoi une boîte de nuit punjabi? C'est une boîte de nuit avec de la musique pop punjabi, c'taffaire!

Je vous entends déjà gueuler: "Heille, arrête de niaiser, tu as toujours détesté ça de la musique pop, fais nous pas "accrère" que tu aimes la musique pop punjabi, maudit menteur!"

Wo les moteurs, les amis. C'est vrai, je déteste la musique pop. De la musique pop et de la musique pop punjabi, ce n'est vraiment pas la même chose.

Vous connaissez la muralî, le vamsha, le bansuri, la tanpura, la sarode, la sarangi, le dilruba, la pakhawaj? Ce sont tous des instruments traditionnels de musique indienne. Mais même si ces instruments font partie d'une culture musicale millénaire et complexe, les probabilités que vous retrouviez une de ces sonorités dans une chanson pop indienne sont grandes...

Ajoutez quelques uns de ces instruments sur du tchikaboum, tchikaboum, tchikaboum de base de musique pop (même les percussions indiennes torchent du cul, rien à voir avec notre tchikaboum), épicez le tout est les envolées vocales uniques des chanteurs indiens et vous obtenez un rythme tout ce qui a de plus unique et original.

Voilà donc, pour l'explication musicale.

Mais la musique n'est qu'une partie de l'expérience de sortir dans une boîte de nuit punabi.

Une autre facette intéressante de sortir au Mumbai Se, c'est que les blancs ne connaissent pas l'endroit. Sortir au Mumbai Se, c'est être un groupe de cinq blancs dans un bar avec 300 Indiens. Et comme vous ressemblez à un beau dentier sous un black light, vous devenez automatiquement un aimant à Indiens.

Cinq minutes, c'est tout ce que ça prend pour vous faire des dizaines de nouveaux amis. Des nouveaux amis qui vous verseront dans la bouche la plus grosse gorgée de vodka jamais ingurgitée. Des amis qui vous voudront tous savoir pourquoi un blanc est venu dans un bar punjabi. Des amis qui voudront vous prendre en photo et se faire prendre en photo avec vous. Et surtout des amis qui voudront vous montrer les mouvements de la danse punjabi.

Parce que le bar a beau avoir des attraits, le plus grand de tous est le fait de monter sur le plancher de danse pour se brasser le popotin!

J'ai généralement l'air d'une grosse graine sur un plancher de danse. Mais pas au Mumbai Se. Parce que les Indiens ont compris une chose. Le corps sur un plancher de danse, c'est plus que deux pieds, deux jambes et un bassin. C'est tout ça plus deux bras, deux mains, deux épaules, une tête et encore deux bras et deux mains. Et surtout une bonne dose de n'importequoisme.

L'important ici est de bouger, bouger et bouger les bras, les mains, les épaules. Bien sûr, il a des mouvements de base: la tête pointée vers le ciel, les deux bras obliques dans les airs avec les épaules qui répètent un court mouvement vers le bas et l'arrière... un peu comme une laveuse qui tilt à la vitesse danse du bacon. Mais à part quelques mouvements de base, l'important est de créer ses propres mouvements, d'innover... ce qui donnera naissance à du très grand n'importe quoi, tellement n'importe quoi que vous peinerez à refaire le même mouvement dix minutes après.

Moulinette, mixette, bassinnette, pirouette, levrette, Georgette, alouette... vous êtes le seul maître à bord, le créateur de votre propre mise en scène. Rappel, l'important est de bouger, bouger et bouger le haut du corps... le bas suivra comme par magie.

Et surtout, il faut se laisser emporter par l'énergie débordante des amis indiens sur le plancher de danse. Les Indiens adorent danser (chaque film indien qui se respecte comporte au moins une chorégraphie de danse à 50 personnes qui dure 10 minutes). Pour eux, danser semble faire partie du quotidien et ils dansent pour le plaisir.

Sur le plancher de danse, c'est un peu déstabilisant parce que tout le monde danse avec tout le monde: les filles avec les filles, les filles avec les gars... et les gars avec les gars. C'est d'ailleurs en dansant avec des gars que j'ai appris les mouvements les plus hot. Parce que les gens ne semblent pas aller au Mumbai Se pour cruiser et repartir baiser avec le premier rencontré deux heures plus tard. Non, ils vont au bar pour le simple plaisir de danser. Et ça change toute l'expérience sur le plancher de danse.

Tu peux danser avec tes amis et commencer à danser subitement avec la fille tout juste à côté sans te faire péter une crise comme chez nous : "Gros dégueulasse, tu veux juste danser avec moi parce que tu veux fourrer après. Mange de la marde et ne m'approche pas. Tu veux faire de la peine à mes sentiments... mimimi mimimi mimimi". Au Mumbai Se, la fille va accepter de danser avec toi sans se poser de question. Elle va te dire oui parce qu'elle est là purement pour avoir du plaisir... tout comme toi. Et après, tu pourras danser avec l'autre fille à côté et l'autre fille à côté.

Le plaisir, pur et simple. Oui, c'est ce qui fait toute la différence dans l'expérience.

C'est décidé, je déménage en Inde. Non seulement, pour vivre la séparation d'avec la secte plus facilement, mais surtout pour laisser les démons de la danse indienne m'envahir encore et encore...

dimanche 25 juillet 2010

La zoune suprême


Hey, le jeune. Tu voudrais avoir une vie sexuelle bien remplie de jolies demoiselles et tu voudrais être l'amant parfait? Mais la vie ne t'a pas choyé côté membrane mâle...

Tous les problèmes de zoune de la terre, tu les as dans ton pantalon et tu es malheureux? Tu as une très petite zoune. Tu ne bandes pas. Et quand tu bandes, tu bandes mou. Et quand tu réussis à bander dur, tu viens après 30 secondes. Et bien, le jeune, j'ai la solution pour toi.

Grâce à la Bonne Nouvelle, tu peux maintenant te désiscrire de toutes les chaînes de courriel t'offrant une zoune plus longue et plus grosse. Grâce à la Bonne Nouvelle, tu peux arrêter ta thérapie visant à guérir tes éjaculations précoces avec le Doc Mailloux. Grâce à la Bonne Nouvelle, tu peux maintenant arrêter de dépenser des centaines de dollars pour acheter les fameuses petites pilules bleues et de mettre ta vie en danger parce que ce n'est pas recommandé pour la patate d'un jeune de prendre les fameuses petites pilules bleues.

La zoune parfaite et la vie rêvée... tout ça grâce à la Bonne Nouvelle!

Mais quel est ce produit miracle? D'autres pilules? Non, rien de chimique. La Bonne Nouvelle est tout ce qu'il y a de plus naturel. La Bonne Nouvelle, c'est trois ingrédients. 1- Des sangsues (probablement à la mixette). 2- De l'huile de tortue. 3- Des champignons. Mélangez le tout, laissez macérer pendant quelques semaines et vous obtenez une potion magique qui fera de votre zoune la zoune suprême.

Mais attention, ce produit n'est pas en vente sur Internet. Non, pour mettre la main sur la Bonne Nouvelle, suffit de vous rendre sur l'île de Bornéo et de tracer jusqu'au village de Serikin, à la frontière entre la Malaisie et l'Indonésie. Une fois sur place, difficile de manquer la Bonne Nouvelle. Cherchez les étals où les vendeurs vous interpellent avec des sangsues collées dans la face. Essayez de regarder autre chose que les sangsues dans la face des vendeurs et regardez sur la table. Vous verrez des dizaines de petites bouteilles d'environ 20 ml. Tanam! Vous avez devant vous la Bonne Nouvelle!

Mais comment utiliser la potion aux sangsues? Rien de plus facile. Lavez votre zoune avec de l'eau chaude pendant quelques secondes, essuyez votre zoune avec une serviette et massez votre zoune avec l'huile de sangsues! Et le tour est joué.

Grâce à l'huile de sangsues, vous aurez une zoune plus longue, plus grosse, plus forte pendant l'acte et surtout une zoune qui sera capable de lever et qui ne passera pas Go! après 30 secondes.

Toutefois, le dépliant n'indique pas combien de temps vous devez vous touchez la zoune avec l'huile de sangsue... Faut-il vider la bouteille pour avoir un résultat optimal? Faut-il appliquer l'huile de sangsue deux ou trois fois par jour? Faut-il appliquer l'huile de sangsue tout juste avant l'acte avec votre partenaire?

En passant, si oui, il faut se masser l'affaire avec l'huile de sangsues juste avant l'acte, nous vous conseillons fortement de ne pas dire à votre partenaire que vous venez de vous appliquer une bonne dose d'huile de sangsues sur l'affaire. Possible que votre partenaire vous bloque l'accès à la grotte magique.

Mais ce qui est certain, parce que c'est ÉCRIT sur le dépliant, c'est qu'il n'y a aucun effet secondaire.

Et en plus, c'est Halal!

jeudi 15 juillet 2010

Statues, scorpion et zapatos


Jeudi soir, 21:45, à l'intersection de Jalan Sultan Ismail et Jalan Bukit Bintang, l'une des intersections les plus achalandées du centre-ville de Kuala Lumpur, avec sa station de mono-rail, ses centres commerciaux et ses énormes affiches publicitaires.

Le lieu est l'endroit de prédilection des amuseurs de rue qui s'y réunissent soir après soir pour tenter d'impressionner les nombreux touristes et locaux passant par là.

Ce soir, les amuseurs ont des styles diamétralements opposés. Dans le coin rouge, les six frères péruviens aux guitares et aux flûtes de pan qui jouent en bas des marches du Métro Jean-Talon (ne les cherchez plus à Montréal, ils sont rendus en Asie). Dans le coin bleu, un emo en trans qui a un scorpion dans la main. Et dans un coin d'une autre couleur, débordant d'originalité, trois gars faisant la statue sur un ti-tabouret.

Quelle image vous vient en tête quand vous pensez à la statue sur un ti-tabouret? Au gars sur la Terrasse Dufferin ou sur Ste-Catherine au coin McGill College qui est habillé avec un costume or avec des brillants et des verres fumés noirs et qui ne bouge pas pendant une heure, right? Bon, ben, c'est la même maudite affaire. Sauf qu'au lieu d'en avoir juste un, il y a trois (un en or, un en rouge, un en vert)... trois sur le même coin de rue.

Dans la catégorie "on sait pas trop pourquoi on s'installe à trois sur le même coin de rue... on se dit que c'est une bonne idée d'être trois sur le même coin de rue parce que ça fait parce que ça fait plus punché, mais d'un autre côté c'est pas super winner de faire la même chose sur le même coin de rue parce qu'on va faire trois fois moins d'argent que si on était pas sur le même coin de rue, tsé genre l'autre coin de rue là-bas où il y a autant de monde et où il n'y a pas trois gars faisant la même chose", remettons leur directement la palme, ils la méritent d'emblée.

La foule autour des Péruviens est de l'emo au scorpion est assez hétérogène, beaucoup de Blancs, des Noirs, des Indiens, des Malais, etc. Mais on observe un phénomène assez étrange autour des monsieurs qui flashent. Pratiquement pas de Blancs, de Noirs, d'Indiens et de Malais. À 95%, la foule est composée de Chinois qui se font tous prendre en photos avec l'ami immobile avec les deux doigts du signe de peace bien dans les airs.

NDLR: à titre purement informatif, j'aimerais ici profiter de l'occasion pour souligner à mes amis chinois que depuis l'invention du signe de peace, probablement à quelque part au milieu des années '60, d'autres signes de doigts donnant d'aussi bons résultats sur pellicule ont été inventés. Amis chinois, allez, sautez dans le précipice sans fond de l'aventure extrême, spicez up votre vie avec 50 livres du zeste des citrons les plus surettes au monde, enfoncez-vous avec une machette dans le fin fond de la jungle amazonienne et dans les sentiers les moins battus sur terre pour tracer votre propre voie, osez les folies les plus subversives. Allez-y à un doigt, à trois doigts, avec pas de doigt, avec les deux bras. Mais, je vous en conjure, halte à l'opération "mouton pas d'originalité, on fait tous la même maudite affaire sur nos photos depuis 10 ans". Innovez, bondance!

Donc, pendant que les Chinois jouent au jeu du manque d'originalité avec les hommes immobiles au manque d'originalité tout aussi flagrant, les Péruviens, eux, sont en feu. Je ne sais pas combien la ville de Kuala Lumpur a payé le Métro Jean-Talon pour mettre la main sur ces convoités joueurs autonomes, mais elle a probablement mis le paquet pour mettre la main sur le groupe Carlos, Conception, Gerardo, Mateo, Hector hermanos carnales y zapatos. Quel spectacle enivrant. Des rythmes endiablés, des flûtes de pan qui se font aller de travers à la vitesse de l'éclair, des chansons originales mais aussi des reprises célèbres telles que La Bamba! Personnellement, j'aurais bien aimé entendre la version Hermanos carnales y zapatos de Riders on the storm, mais bon, faut quand même pas trop en demander.

Et comme si le spectacle n'était déjà pas assez excellent comme ça, les hermanos ont pu compter sur l'appui de taille d'un invité surprise pour quelques chansons... ok, n'allez quand même pas vous imaginer que Bono est venu gratter le ukulélé, mais une surprise quand même. Arrivé de nulle part, un Indien aveugle est venu s'immiscer entre Carlos et Hector et s'est mis à danser comme un diable dans l'eau bénite. Un mélange de gigue, de danse punjabi, de mouvements à la Michael Jackson et de gars qui prépare de la pâte à pizza. Indescriptible, vraiment! Personnes portant un pacemaker s'abstenir, cette démonstration artistique inusitée ayant plutôt l'effet d'un stroboscope.

Un stroboscope et un boomerang. Puisqu'après environ 15 minutes, notre ami punjabi est reparti dans la même direction qu'il était arrivé, un peu à la Rain Man la tête dans les airs, disparaissant sans dire bonjour aux frères Z. Un boomerang qui avait attiré plusieurs touristes généreux du porte-monnaie, au grand plaisir des frères Z, riches sans avoir à partager avec leur collègue dansant.

Derrière les musiciens et les statues se tenait l'emo au scorpion. Par définition stylistique, le mec a l'air d'un personnage sorti des ténèbres. Habillé en noir, des bottes Marylin Manson aux multiples studs, d'énormes bagues en métal de devil, des tatoos sur les bras, visage blanc lait avec... tanam... un maquillage en forme de scorpion en guise de masque pour les yeux (concept le gars). Le tout agrémenté avec la joie de vivre caractéristique des emo.

Son scorpion à la main, le type avait de loin le potentiel le plus grand de la soirée. En terme d'originalité, les flûtes de pan des Zapatos et les costumes brillants des statues ne peuvent en rien rivaliser avec un scorpion. Des amuseurs publics avec des scorpions, vous avez vu ça souvent?

Malheureusement pour notre emo, son infinie joie de vivre et son énergie débordante ont quelque peu tué dans l'oeuf l'énorme potentiel du duo. Aucun dynanisme, l'emo restait immobile la main tendue avec le scorpion dans la paume. En fait, la seule chose qui bougeait, c'était le scorpion. Et comme le scorpion ne se déplace pas vraiment à la vitesse d'un jaguar, l'action était limitée et les mouvements de l'animal prévisible.

L'emo aurait pu aller à la rencontre des gens et essayer de leur faire toucher ou prendre le scorpion, se mettre le scorpion dans la bouche ou dans les cheveux... créer de l'action. Non, rien. Le regard vide et immobile sur le coin de la rue avec son scorpion dans la main. Une grosse montagne qui accouche d'une petite souris... bourn's!

Pendant quelques secondes, j'ai songé à allumer le party solide: aller saisir le scorpion des mains de l'emo et aller le mettre dans le chapeau d'une des trois statues. D'un coup, j'aurais fait sortir l'emo de son coma, j'aurais foutu la trouille à la statue qui se serait probablement mis à giguer comme Rain Man et j'aurais permis à une horde de Chinois de rentrer à la maison avec autre chose que des photos de signes de peace.

lundi 12 juillet 2010

La Sainte paix



Me voilà arrivé à Kuala Lumpur, capitale de la Malaisie, depuis quelques jours.

Si pour plusieurs mecs de mon âge, un nom comme Natasha résonne comme un nom cochon d'une fille qui joue dans des films porno, pour moi, le nom Kuala Lumpur a toujours résonné comme un nom exotique, un nom intense d'une ville mythique que je devais absolument visiter...

Alors, me voici, dans cette ville que je voulais visiter depuis des années. Une ville qui est entrée dans l'imaginaire de bien des gens en 1998 quand ont été inaugurées les tours jumelles Petronas, hautes de 452 mètres. En bon curieux que je suis, je me suis renseigné. Kuala Lumpur, ville multiculturelle s'il en est une avec son mélange unique de culture malaise, indienne et chinoise... le nom sonne exotique... ça doit bien vouloir dire quelque chose d'exotique.

Malheureusement, j'ai débandé assez vite quand j'ai appris que Kuala Lumpur signifie, en malais, confluent boueux! Méchant nom poche! J'aurais peut-être préféré ne pas le savoir. Aux vidanges la traduction, Kuala Lumpur, ça sonne "suave". Et c'est tout ce qui compte.

Au premier contact, du seul point de vue de la modernité de la ville, on constate tout de suite que nous sommes à des années-lumières des métropoles du sud-est asiatique que sont Phnom Penh, Saigon ou Hanoi. Un train aérien, des gratte-ciel partout et des centres commerciaux remplis de boutiques chics (name it, toutes les grandes marques sont ici) avec des drafts d'air climatisé à la puissance dix que tu sens 50 pieds avant de pénétrer dans l'édifice, ça déstabilise son Sven quand ça fait trois mois que les seuls marchés que tu vois sont dans la rue ou dans des édifices en béton gris construits dans les années '60.

Choc surtout pour ma gorge, la preuve que la modernité n'est pas parfaite... trois mois à dormir dans des chambres à quatre dollars la nuit, trois mois à manger dans la rue, trois mois à marcher sur des trottoirs parsemés de déchêts, trois mois à suer dans des trajets de bus de neuf heures par 35 degrés Celsuis... et jamais malade. Mais un petit après-midi à la pluie à entrer et sortir deux fois d'un centre commercial à la clim d'enfer et voilà que j'attrape le rhume!

Autre choc de modernité au niveau de la sollicitation sur les trottoirs et dans la rue. Je les aimais bien, les chauffeurs de tuktuk au Cambodge. Toujours "no thank you" avec le sourire, mais je vais vous avouer qu'à la fin, je commençais à en avoir un solide truc de me faire aborder à tout bout de champ. Lors de ma dernière journée à Phnom Penh, je pense avoir été sollicité au moins 200 fois. La même histoire à tous les jours pendant trois mois, ça commence à être légèrement iritant.

Mais que la vie est bien faite. À Kuala Lumpur, les chauffeurs de tuktuk et de motorbike ça n'existe pas. Holy Guacamole! Délivrance! La Sainte paix! Merci mon Dieu du fond du coeur d'avoir intenté les villes sans tuktuk et motorbike! Après avoir été la cible pendant trois mois, le fait de pouvoir simplement marcher sur le trottoir sans se faire crier après à chaque 15 secondes, de ne pas à avoir à dire non neuf fois au même chauffeur, d'être libre de ses mouvements et de ne pas avoir à planifier son itinéraire quatre coins de rue à l'avance pour tenter de croiser le moins de tuktuk est un sentiment indescriptible. Ici, c'est à peine si deux chauffeurs de taxi m'ont offert leurs services en dix jours.

Que la vie est belle! Vive la liberté, l'indifférence et l'individualisme du confluent. Tellement heureux de cette liberté retrouvée que chaque matin quand je sors pour aller marcher en ville, je baise la rue en pleurant de joie pour la remercier de ce qu'elle m'offre... tellement heureux que je la baise aussi en rentrant le soir.

Baiser le trottoir? Tu ne serais pas un peu mongol? Peut-être, mais quand ça fait trois mois que vous êtes victime de torture mentale et d'acharnement touristique, vous ne pouvez pas comprendre à quel point ça fait du bien de se retrouver dans une immense ville impersonnelle où tout le monde se fout de votre présence. L'anonymat le plus complet, un petit plaisir de la vie que j'avais oublié et que je retrouve avec la plus grande joie. Britney, maintenant je comprends ta souffrance!

Merci confluent d'être une grosse ville impersonnelle.

Et merci aux 10 000 chauffeurs de tuktuk de me permettre d'apprécier l'impersonnalité de Kuala et de faire de moi un émule de Jean-Paul ii.

jeudi 8 juillet 2010

Merci Cambodge


24 jours. 24 jours passés au Cambodge, ce petit pays encerclé par la mer, la Thaïlande, le Laos et le Vietnam. 24 jours à flotter sur un nuage, 24 jours qui ont passé malheureusement trop vite, 24 jours dont je conserverai un souvenir impérissable.

Parce qu'au cours de ce séjour, j'ai eu la chance de rencontrer le peuple le plus extraordinaire qu'il m'a été permis de rencontrer depuis le début de ma carrière de globe-trotteur.

Paysagement parlant, le Cambodge, à mes yeux, ne peut rivaliser avec les splendeurs naturelles de la Nouvelle-Zélande, de la Corse ou du Costa Rica. Peu importe que je n'aie pas vu les plus beaux pics enneigés, les plus majestueux fjords, les steppes les plus sauvages ou les eaux les plus bleues du monde, le Cambodge est devenu pour moi le plus beau pays du monde. Pas pour ce qu'il possède mais pour ce qu'il est. Grâce à cet élément qui définit le plus l'identité d'un pays, c'est-à-dire les gens qui y vivent.

Un peu cliché comme déclaration? Peut-être. Tous les gens que j'ai rencontrés et qui ont pris la peine de vraiment visiter le pays (c'est-à-dire les gens qui ont vu autre chose que les Temples d'Angkor et Siem Reap et Phnom Penh) sont unanimes: les Cambodgiens sont tellements fins.

Mais c'est vrai. Plus vrai que vrai. Dans pratiquement tous les pays que j'ai visités, j'ai rencontré des peuples généreux, attachants, sympathiques, altruistes. Mais au Cambodge, j'ai, pour la première fois de ma vie, été touché, ému par un peuple.

Grâce à leur bonne humeur, leur sens de l'humour, leur simplicité, leur curiosité, leur rage de vivre, leur courage, leur résilience, les Cambodgiens m'ont permis de vivre l'expérience touristique la plus unique, celle de la vraie découverte d'un peuple. Un peuple qui mérite d'être découvert et respecté pour tout ce qu'il a vécu.

Un peuple qui aurait pu s'effondrer après le génocide orchestré par l'infame Pol Pot entre 1975 et 1979 (génocide au cours duquel environ deux millions de Cambodgiens ont perdu la vie). Au contraire, ce peuple a réussi à transformer cette tragédie qui a anéanti le pays en force motrice, en rage de vivre, en tenacité. Bref, un traumatisme qui leur a permis d'être encore plus forts qu'auparavant.

Le courage dont fait montre ce peuple par rapport à cette tache noire de l'histoire du 20e siècle est hors du commun. Au lieu de vivre dans le déni, de jouer à l'autruche et de faire comme si rien ne s'était passé, les Cambodgiens affrontent cette cruelle réalité de pleine face. Leur message est clair quand vous visitez Tuol Sleng (aussi appelée S-21, cette prison où des milliers de Cambogdiens ont été torturés) ou les Champs de la mort de Choeung Ek (où les prisonniers de S-21 étaient tués): voici notre histoire, voici ce qu'un des nôtres a fait subir à son peuple; nous voulons que tous les humains sachent ce qui s'est passé pour éviter qu'une telle catastrophe humanitaire se reproduise un jour.

Mais ce courage, il n'est pas que dans les musées. Il est dans la rue, chez les victimes de ce régime ignoble, qui parlent, parlent et parlent sans hésitation de la guerre et de ce qu'ils ont vécu pendant cette période sombre... sans même que vous ne posiez la question. Impossible de visiter le Cambodge sans tomber sur une personne qui vous racontera comment elle et sa famille ont souffert sous les Khmer Rouges. Et ces horreurs, elles vous sont racontées comme n'importe quelle histoire du quotidien... avec un sourire, qui veut dire tellement de choses.

Ce sourire et cette volonté de parler à l'infini. Autre phénomène fascinant dans ce pays; j'ai déjà abordé le sujet dans mon billet sur les chauffeurs de tuk tuk. Ce bien est généralisé. Un sourire riche, chaleureux, contagieux dont le charme est irrésistible. Impossible d'y rester indifférent. Une invitation spontanée à répondre à votre tour qui fera de vous une machine à sourire pendant votre séjour dans ce pays.

Un premier geste non-verbal tout simple qui débouche inévitablement en procès-verbal. Et attachez votre tuque avec de la grosse broche, vous risquez de passer plus de temps que prévu à jaser avec votre nouvel ami. Une facilité d'approche et d'ouverture face à l'étranger déconcertante. Sans tabou, sans obstacle, sans barrière. Une discussion naturelle comme si vous parliez à un ami que vous connaissez depuis 15 ans. Magique.

Une facilité à pénétrer dans leur univers... avec la force d'un aimant. Pas uniquement à échanger et partager paroles, paroles et paroles. Mais à vous faire inviter à jouer à la pétanque, au volleyball avec eux. À vous faire inviter à vous asseoir à leur table pendant qu'ils regardent un combat de boxe à la télévision dans un restaurant. À vous faire inviter par le chauffeur de tuk tuk à manger chez lui avec sa famille. À vous faire prendre par la main par les enfants quand vous traversez un village à pied. À vous faire donner des camions-jouets par des enfants pour jouer avec eux. Etc, etc, etc.

Un vortex d'humanisme dans lequel on veut absolument tomber pour vivre une expérience unique.

Amis camodgiens, merci pour cette leçon de vie. Cet hommage vous est dédié avec la plus grande sincérité et la plus grande humanité par quelqu'un qui ne vous arrive pas à la cheville. Merci de m'avoir autant montré en si peu de temps. Vous êtes les plus beaux, les plus formidables, les plus adorables, les plus extraordinaires.

Et surtout, ne changez jamais.

mercredi 7 juillet 2010

Le chanteur qui mangeait des volées

L'un des plus grands plaisirs de voyager en Asie du sud-est est de prendre l'autobus. Et quand je parle de prendre le bus, je parle de prendre un vrai bus avec les locaux, le vrai monde.

Avec des véhicules débordant de passagers le plus souvent qu'autrement, l'état parfois catastrophiques des bancs et les surplus de bagages dans l'allée centrale, les bus sont souvent un terreau fertile d'histoires débiles.

Un autre classique des bus asiatiques est la musique. Une version karaoké des vidéos sur un écran miniature à l'avant du bus et le son dans le tapis, souvent beaucoup trop fort pour les excellents haut-parleurs made in China (en fait, on devrait plutôt les appeler haut-gricheurs que haut-parleurs), est la meilleure option pour obtenir le silence des passagers. En fait, mettre un DVD karaoké d'un chanteur populaire dans un bus en Asie du sud-est est l'équivalent de mettre un DVD de Caillou à des enfants de trois ans dans une garderie.

Pour le projet Siem Reap - Battambang, j'ai eu la chance de regarder le DVD des vidéos, version karaoké, d'un des chanteurs les plus populaires de l'heure au Cambodge. Aucune idée de son nom, mais j'entends son tube au moins une fois par jour.

Les Cambodgiens ont beaucoup de très belles qualités, mais pour ce qui est de l'originalité des scénarios des vidéos de musique, on repassera. A côte de ça, les Super Mamies passent pour de la grande télé.

Musicalement, on fait dans la pop très commerciale et très légère à la "je t'aime mon amour et je t'aimerai pour toujours".

Le thème de la chanson étant toujours le même, il ne faut pas vraiment s'étonner que les vidéos soient tous un peu pareils. Mais il y a un peu pareil et un peu pareil.

Changez la fille, les décors, les paroles et vous avez inlassablement le même vidéo encore, encore et encore: un triangle amoureux (deux filles et un gars) et la fille qui "tilt" entre les deux gars, dont le chanteur qui est toujours dans les vidéos. Elle passe 34 secondes avec le premier avant d'en passer 29 avec le deuxième avant de repasser à l'ouest 48 secondes pour mieux repasser à l'est pour quelques rimes. Gauche - droite, gauche - droite pendant 3:30. Un peu agace la madame! Chose certaine, Françoise David n'est pas la réalisatrice de ces vidéos.

Autres éléments qui reviennent d'un vidéo à l'autre: la fille ne finit jamais avec le chanteur, le chanteur est un alcoolo fini et le chanteur est une solide lopette.

Systématiquement, dans chaque vidéo, au moment où Dulcinée est dans les bras du méchant rival, notre ami le chanteur se défonce la gueule à l'alcool. Beaucoup d'alcool et vraiment trop d'alcool... question que l'on comprenne que le gars souffre d'amour.

Donc, après s'être bourré la gueule, notre ami tente systématiquement d'en venir aux poings avec son rival. Une bataille par vidéo, c'est garanti. Des claques sur la gueule, des coups de pied dans les reins. Et on se bat partout: dans la rue, dans la chambre à coucher, dans un bar. Et chaque fois, notre ami le chanteur perd sa rude bataille. Des volées et encore des volées. Une fois, le type se fait mêmeme tirer dans la jambe dans par la fille. Fascinant, captivant et un beau message d'espoir pour les tout-petits à la maison.

Donc, un personnage pathétique et de qui on finit presque par avoir pitié: un homme ultra-rose trop proche de ses sentiments qui a de la pepeine à tout bout de champ, qui est trop mou pour prendre sur lui et qui boit comme un trou pour noyer sa pepeine et qui se bat comme une fillette de 12 ans. Et qui, en plus, est laid comme un singe. Quand tu as la face d'une mante religieuse, t'as pas grand chance de scorer avec les filles dans la vie. Voilà probablement ce qui explique pourquoi la fille ne finit jamais avec lui dans les vidéos.

Mais laid comme un singe ou pas, si le personnage échoue lamentablement avec les filles dans le vidéo, je ne suis pas trop inquiet en revanche pour le chanteur de la vie de tous les jours. À voir comment les filles le regardaient avec de la tite babave dans l'autobus, je n'ai pas l'impression qu'il couche souvent seul le soir.

Peu importe que ces vidéos soient pour le moins mauvais, partout dans le monde, une rock star, ça reste une rock star.

mardi 6 juillet 2010

Mes amis les policiers, prise 2


À mon arrivée au Cambodge, j'avais écrit un billet sur l'aventure à la douane et les beaux petits billets verts qui passaient du porte-monnaie des touristes aux belles grosses valises de cuir des policiers cambodgiens.

Mais comme le Cambodge ne trône au sommet d'aucun palmarès des pays les moins corrompus de la planète, le phénomène des policiers magiciens faisant apparaître l'argent n'est pas limité à la frontière. C'est généralisé.

Mais n'allez pas croire qu'il s'agisse d'un fléau terrible qui mette en danger les fondements de l'équilibre social du pays. Les petits manèges des policiers, ils sont mineurs. Personnellement, je les trouve particulièrement sympathiques.

Après tout, selon toutes les personnes à qui j'ai posé la question, les policiers touchent des salaires relativement bas. Ils ont beau avoir l'uniforme et le pouvoir, personne ne devient millionnaire à pratiquer ce métier au Cambodge. On parle plutôt d'un revenu additionnel qui permet d'arrondir les fins de mois.

À Phnom Penh, la manège des policiers est assez facile à détecter. Si vous voyez un policier faisant le circulation, vous avez de bonnes chances de le voir à l'oeuvre.

J'en aperçois un un lundi matin à l'heure de pointe. Il travaille seul. Il est un sifflet à la bouche, un ti-bâton en plastique pour diriger la circulation dans la main droite et le bras gauche en formation moulin à vent.

Je m'installe à quelques pieds de lui et observe le divertissant spectacle... ne manquait d'une petite chaise de patio et un pop-corn full beurre!

En l'espace d'une heure, le policier interpelle une vingtaine de véhicules (des automobiles, mais surtout des motos). À chaque fois, le policier semble détecter une nouvelle infraction car il pointe toujours un endroit différent sur le véhicule du conducteur coupable. Pas assez d'air dans les pneus, siège trop pas, pas assez d'essence. Je ne sais trop mais ça m'a bien l'air d'être du très grand n'importe quoi. Chose certaine, avec la lourde circulation dans la capitale, impossible d'aller à plus de 25 km/h et impossible de faire d'excès de vitesse. Rechose certaine, personne n'a soufflé dans la balloune. Donc pas d'alcool au volant.

À chaque fois, le cirque est le même. Le conducteur descend du véhicule, fait une face de "sérieux, dude, pourquoi tu m'arrêtes?" et rejoint le policier sous un arbre à l'abri des regards (sauf celui de Sven le détective, bien évidemment). La discussion dure généralement une minute.

Comme remplir un constat "d'infraction" est chiant et long pour les deux antagonistes, pourquoi ne pas "fast-tracker" le processus et régler le tout à l'amiable? Après que les deux parties se soient entendues sur les termes de l'entente, quelques petits billets passent de la main A à la main B. Fin de l'opération, final bâton! Le policier glisse les billets dans sa poche, range son livret de constats "d'infraction" et affiche un large sourire pendant que le conducteur repart aussi vite qu'il est arrivé.

Après quelques arrestations fort enrichissantes, le policier m'aperçoit! C'est beau le zouf! T'es dans un pays où les policiers se mettent de l'argent dans les poches en arrêtant le monde qui n'ont rien fait et tu te fais spotter par un policier qui fait ça dans ses temps libres... ça te tente de passer au cash toi aussi?

Alors que je pense que je suis dans le gros caca mou, je réponds de manière instinctive au policier en levant le bras, le saluant le pouce en l’air et lui souriant... comme si je le félicitais pour son excellent travail.

Le policier me regarde d'un air amusé, me sourit et me retourne le salut... et recommence son manège.

Those guys are AWESOME!

Quelques jours plus tôt, je me trouvais du côté de Siem Reap pour visiter les Temples d'Angkor. Aucun policier magicien assurant la circulation ici. Non, ici, les policiers qui patrouillent les temples vendent des badges de la police aux touristes!

Un compagnon de voyage français me raconte avoir vu, plus tôt dans la journée, à la sortie d'un temple, un touriste et un policier procéder à une transaction quelconque. Le Français s'approche du policier et lui demande ce qui venait de se passer. Sans aucune hésitation et sans essayer de se cacher, le policier lui répond: "je vends des badges de la police. Tu en veux un?" Paf! Du tac-au-tac!

Amusé, je raconte l'anecdote à un compagnon de voyage néerlandais le lendemain aux temples avant de lui donner rendez-vous en soirée en ville pour regarder un match de la Coupe du monde. Je le rejoins à l'heure prévue. Il est tout sourire. Pourquoi cette moue, tu viens de gagner à la loterie? Mon ami me répond en sortant de sa poche le fameux badge de la police! Le Néerlandais est tout simplement allé voir le premier policier qu'il a rencontré après que je lui ai raconté l'anecdote et lui a demandé s'il pouvait acheter un badge.

Et 30 secondes plus tard, la transaction était complétée.

Those guys are AWESOME!

mercredi 23 juin 2010

Tchou, tchou, tchou, le train le plus top au monde entre en gare


Vous voulez vivre l'expérience en train la plus unique qui soit?

Oubliez le Maglev à Shanghai. Oubliez les shinkansen au Japon. Oubliez le Transsibérien. Et oubliez le TGV entre Québec et Windsor (en fait, celui-là, vous pouvez l'oubliez mais pour des raisons différentes des trois autres... avec toute la capacité de nos vaillants politiciens à se brancher, le conflit israélo-palestinien sera réglé avant la première pelletée de terre à Québec).

Oups, je m'éloigne...

Non, pour l'expérience la plus pétée qui soit, pas besoin de toutes ces belles technologies de trains flottants. Juste besoin de se rendre du côté de Battambang, au Cambodge, pour essayer le norry: un train en bambou!

Le concept est aussi simple qu'ingénieux: une plate-forme en bambou de trois mètres de long par deux mètres de large, des essieux de type automobile montés en tandem de façon à permettre le déplacement vertical des roues et un moteur à essence à l'arrière de l'embarcation pour faire avancer le tout.

À pleine capacité, entre 12 et 15 personnes, le train défile à environ 15 km/h. Avec trois ou quatre passagers, on peut atteindre des pointes supérieures à 30 km/h.

J'ai eu la chance de tenter l'expérience avec un ingénieur en chemin de fer (sérieux, quelles étaient les probabilités que j'essaie un train en bambou au beau milieu du Cambodge avec un ingénieur en chemin de fer?... vous en avez rencontrés beaucoup, vous, des ingénieurs en chemin de fer?). La face qu'il a fait quand il a vu l'état des rails valait au moins un million de dollars.

Un parcours de slalom géant à l'infini. Mais aucun risque de déraillement, selon l'expert, puisque le train n'avance pas assez vite.

L'expert explique également que les énormes trous (les plus gros allant jusqu'à quatre à cinq pouces de long) à la jonction des bouts de rails et le fait que les bouts de rails ne sont pas tous vraiment au niveau ne rendent pas l'aventure plus dangereuse. T'as juste le cul qui tape assez solide sur le bambou chaque dix secondes. Dommage, me semble que ça aurait fait une histoire encore plus punchée :-(

Autre élément rendant l'aventure particulière: il n'y a qu'un rail pour l'aller et le retour. En d'autres mots, des trains allant en sens inverse et qui vont se rencontrer à un moment donné.

Encore une fois, aucun danger pour les deux trains allant en sens inverse d'entrer en collision. À moins que les conducteurs décident de faire un concours du plus gros "tchin" au monde.

C'est là que le génie derrière le train de bambou prend tout son sens. En l'espace d'environ 15 secondes, on enlève la plate-forme de bambou et les essieux des rails pour céder le passage à l'autre train. Et opération inverse pour remettre le train sur les rails.

Et pas besoin d'un 4 de 7 de roche, papier, ciseau pour déterminer quel train va céder le passage.

La règle est simple: les deux conducteurs baissent leur pantalon et celui qui a la plus petite graine doit déplacer son train!

Hahaha! Je vous ai bien eu... pas de mesurage de graine!

La priorité absolue va au train sur lequel on retrouve une moto. Ensuite, la priorité va au train avec le plus de passagers. Et qu'est-ce qui arrive quand les deux trains ont le même nombre de passagers? Et bien, les deux conducteurs baissent leur pantalon et ...

En fait, je ne pense pas qu'il y ait de règle précise. Dans notre cas, l'ingénieur, sa copine et moi avont crié aux autres de se tasser avant qu'ils le fassent. Donc, nous avons gagné.

Malheureusement, selon certaines rumeurs, le norry pourrait disparaître (dommage pour les nombreux locaux qui empruntent ce moyen de transport unique en son genre sur une base quotidienne) si le gouvernement décide d'aller de l'avant avec le projet d'amélioration du service ferroviaire entre Battambang et Phnom Pehn.

Et dans l'éventualité où le gouvernement cambodgien allait de l'avant avec ce projet, le gouvernement du Québec pourrait peut-être acheter les trains de bambou. Ç'est probablement le plus proche que nous serons jamais du TGV.

mardi 22 juin 2010

Les Temples de la consommation


La Grande Muraille de Chine, le Machu Pichu, les Pyramides d'Egypte, le complexe Carrefour et Colossus de Laval... toutes des structures magiques nées du génie humain qu'il faut visiter au moins une fois dans sa vie. Liste à laquelle il faut absolument ajouter les Temples d'Angkor, au Cambodge, source de fierté nationale pour tout un peuple. Une visite aux temples, c'est être témoin de la spiritualité, de la créativité, de l'extravagance et du gigantisme qui a marqué cet empire.

Si Angkor Wat était le seul temple présent sur le site, on pourrait débattre à savoir quelle construction nommée ci-dessus est la plus spectaculaire. Mais avec plus de 200 temples et monuments éparpillés dans la jungle sur un territoire de plus de 400 kilomètres carrés, Angkor surpasse tous ses rivaux.

Une fois que vous avez vu les mystérieux visages géants et souriants de Bayon, les sculptures de Bantey Srei, la jungle reprendre sa place à Ta Prohn, vous savez tout de suite que vous venez de visiter quelque chose de surréel, d'incomparable, d'inégalé.

Pour toutes ces raisons, les Temples d'Angkor sont devenus les poumons de l'industrie touristique au Cambodge, une industrie qui a le vent dans les voiles dans la région de Siem Reap et qui attire à tous les jours des milliers de visiteurs.

Et qui dit site touristique dit nécessairement gens qui veulent vous vendre des affaires (vraiment toutes sortes d'affaires et de cossins). Et à Angkor, ces gens qui veulent vous vendre n'importe quoi, ils sont nombreux, très nombreux... trop nombreux, beaucoup trop nombreux.

Techniquement, le vendeur n'a pas le droit de procéder à l'interieur du site du temple (quoi que, certains semblent contourner la règle assez facilement, même devant les policiers), mais ils vous attendent de pied ferme à l'extérieur du temple.

Que vous visitiez Angkor à vélo, en tuktuk ou en autobus, prenez garde. Dès que vous mettez le pied sur LEUR territoire, les vautours sont prêts pour l'attaque.

L'orchestre symphonique entonne alors son mouvement préféré : "orage de cris sans fin déferlant sur les touristes hébétés". Parfois en crescendo, en canon, en mi-majeur. Mais peu importe le style, une chose demeure, ça vous défonce les tympans (les oreilles devraient arrêter de vous siller quatre-cinq heures après votre retour à Siem Reap le soir).

- Hello, sir, cold drink! You want a cold drink?
- Hello, two dollars for a guidebook.
- Hello, buy food from me.
- Hello, you need a t-shirt. I have many colors.
- Sir, you need a cold drink. Buy here.
- Sir, tablecloth, t-shirt, sarong, fridge magnet, necklass. Very good price for you.
- I have cold water, cold soft drinks. Look my menu. You hungry, I know!
- Sir, buy, buy, buy. Anything!
- Hello, me poor, poor, poor. Buy from me.

Grande, vieille, petite, enfant, jeune mère, adolescente, baryton, tenor, soprano Peu importe. Elles décochent toutes à un rythme effarant.

Quand vous encaissez une dizaine d'attaques à la minute, il est facile de perdre patience. Mais à l'instar des chauffeurs de tuktuk, l'important est de prendre la chose avec humour. Après tout, ces gens essaient seulement de gagner leur vie et ne méritent pas d'être traités comme des pygmées, des pleutres et des bazoutalènes!

Humour, donc. Il faut embarquer dans la joute; les Cambodgiens ont un excellent sens de l'humour.

Alors, pour les gens qui songent visiter le Cambodge et les temples d'Angkor tout en appréciant les temples et les gens, voici quelques petits conseils pratiques (Guide Angkor 101... bizarre, ils ne le vendent pas sur le site celui-là), certaines réponses qui ont soit débouché sur des conversations n'ayant aucun lien avec le produit à vendre, soit complètement bouché mes interlocuteurs (parce qu'ils ont beau être gossants, il faut avouer que leur sens de la répartie est fort en ta... Si votre réponse initiale n'est pas assez convaincante pour eux, ils vont répliquer avec un uppercut au menton).

Q: Sir, you want to buy a guidebook?
R: Can I drink your guidebook? I don't want to read, I want to drink!
NDLR: Attention de ne pas être assez tarte pour répondre ça si vous avez une dame vendant des boissons dans un rayon de 30 mètres (elles ont aussi de très bonnes oreilles).

Q: Sir, you want to eat something? Look my menu.
R: I don't want to eat rice or noodles. But do you sell poutine? I would really like to eat a poutine right now!

Q: Sir, a sarong, a scarf, a necklass for your mother or your girlfriend?
R: My mom is dead. And I like men; I'm gay!
NDLR: Réponse à moitié vrai dans mon cas ici. Et celle-là, il faut un peu la jouer avec une face de gars un peu offusqué.

Q: Sir, lot of stuff for you. Aerial postal cards?
R: I'm a professionnal photographer. I took those pictures!
Q: Guidebook?
R: I also wrote all the guides about Angkor. I'm Indiana Jones. You don't recognize me because I don't wear my hat today!
Q: T-shirt?
R: Im the boss of the t-shirt factory.
Q: Carvings?
R: I carve small replicas of Angkor during the weekend.

Mais, comme le dit le proverbe, la meilleure défense est l'attaque. Le meilleur moyen de surprendre votre adversaire est donc d'attaquer le premier, quand il s'y attend le moins, avec la réplique qu'il attent le moins.

- Lady, you buy from me. Cheap price for you my friend!

Un coup de circuit à coup sûr et possiblement le meilleur moyen de se faire des amis à Angkor. En autant que ça soit fait avec humour. Parce que personne ne gagne au jeu de la vendeuse frustrée à cause du touriste frustré.

D'énormes sourires, exactement comme ceux que l'on retrouve sur les mystérieux visages géants de Bayon!

samedi 19 juin 2010

Mes nouveaux idoles


Tuktuk et motorbike. Deux mots qui résonnent, voire bourdonnent, dans les oreilles des touristes visitant l'Asie du sud-est. Vietnam, Laos, Cambodge, dès que vous mettez les pieds sur le trottoir, vous êtes assailli de toutes part de bruyants tuktuk, motorbike. Impossible d'y échapper.

Vous avez beau analyser le trottoir et essayer de trouver un chemin libre, vous vous ferez rattraper avec maximum 12 secondes. C'est comme si vous étiez au milieu de leur ruche. Le chemin est clair sur la droite, vite, on se dépêche... paf, vous êtes assailli sur la gauche. C'est tout juste s'ils ne descendent pas du ciel à la Spiderman pour vous demander d'embarquer dans leur véhicule.

Il y a quelques semaines, je vous avais parlé de l'hyper sollicitation dans les rues de Hanoi. En fait, c'était avant que je ne mette les pieds à Phnom Penh. Dans la capitale cambodgienne, il faut doubler la mise. Vous vous faites arrêter 125 fois dans une journée à Hanoi, à Phnom Penh, comptez un bon 250 fois.

Mais si on peut établir une comparaison au niveau de l'omniprésence de la sollicitation, on ne peut en établir une quant à l'attitude des dits chauffeurs.

Arrêtez tout début, c'est inutile, C'EST TERMINÉ! La médaille d'or revient aux chauffeurs cambodgiens. Ce sont ceuze-là les meilleurs. Leur attitude, leur bonne humeur, leur sourire contagieux (ce peuple est tout simplement extraordinaire et les mots Cambodgiens et sourire, bonne humeur et sens de l'humour risquent de revenir souvent dans mes prochains billets sur ce pays) en font les chauffeurs de tuktuk les plus adorables qui soit.

Personnellement, je ne suis pas très tuktuk, préférant de loin le vélo. De un, c'est plus économique. De deux, ça me garde en forme. De trois, c'est moins polluant. Facile de perdre patience et pas facile de toujours garder le sourire quand vous avez cinq personnes qui vous crient tuktuk en même temps.

Un bon truc pour garder le sourire est l'humour quand vous répondez au chauffeur. Et c'est là que les Cambodgiens torchent la compétition à plate couture.

J'ai essayé la blague autant comme autant au Vietnam et au Laos, sans trop de succès... en fait, sans aucun succès.

- Tuktuk, my friend?
- No sir thank you. I don't tuktuk. I walk walk and I bike bike. If I tuktuk, I become fat like big fat Americans.

Au Vietnam et au Laos, la blague ma valait à coup sûr une face d'envie de chier de la part du chauffeur. Il est où votre sens de l'humour, les mecs?

Parce que quand je fais la même blague ici, les éclats de rire sont instantanés. Quelques chauffeurs ont même enchaîné leur rire en se prenant la débaine à deux mains et en me disant : "yes, like me!" Wow, définitivement pas sur la même planète.

Neuf fois sur diz, la petite blague ayant brisé la glace, il se produit un phénomène vraiment étrange... paraît qu'ils appellent ça le contact humain... le chauffeur de tuktuk commence à parler avec moi.

Bien que je vienne de lui annoncer que je ne veux pas lui donner mon argent en retour de ses services, le chauffeur entreprend la dicussion. Et comme nous sommes en pleine Coupe du monde, ça jase souvent soccer. D'autres chauffeurs se joignent à la dicussion et le tout peut facilement durer cinq minutes.

Wow, des êtres humains qui se parlent tout simplement pour le plaisir de parler, d'échanger, d'en apprendre un peu sur l'autre. L'aspect argent et vente est évacué. On ne parle plus d'un chauffeur qui discute avec un touriste. On parle de deux personnes qui échangent tout simplement.

Et le tout se termine le plus souvent qu'autrement par une sincère poignée de mains et un énième sourire chaleureux.

Au Vietnam et au Laos, surtout au Vietnam, pays où je me suis plus senti comme un portefeuille que comme un être humain pendant un mois, 90% des discussions avec les chauffeurs se résument à ceci...

- Motobike, my friend?
- Réponse sur le gras et les Américains...
... Face d'envie de chier du chauffeur...
- Motobike, my friend?
- No thank you.
- Motobike, my friend?
- No thank you.
- Motobike, my friend?
- No, I'm good thanks
- Motobike, my friend?
- No I prefer to walk
- Motobike, my friend?
- No I think I can handle walking three blocks
- Motobike, my friend?
- ...
- Motobike, my friend?
- Motobike, my friend?

Sérieux, dude, quelles sont les probabilités que je te dise oui et que je change mon fusil d'épaule après que je t'aie dit non neuf fois en 20 secondes? Ma main au feu que ton cours de marketing et de service à la clientèle au CÉGEP, tu l'as coulé solide...

Définitivement pas sur la même planète. Et définitivement beaucoup de croûtes à manger avant d'arriver à la cheville de vos collègues cambodgiens, mes nouveaux idoles.

vendredi 18 juin 2010

Petit résumé des dernières aventures


Évidemment, tout ce qui arrive à Sven ne peut devenir officiellement une aventure de Sven la Bédaine. Faut quand même pas charrier. Mais il ne faut pas tomber dans la discrimination non plus et n'oublier personne.

Alors pour que chaque anecdote soit heureuse, voici un résumé de toutes sortes d'affaires qui me sont arrivées au cours des deux dernières semaines.

Alors, au cours des deux dernières semaines, Sven a : tué un serpent, fait du camping dans une tente dans la salle à manger d'une guesthouse, fait une excursion de 14 kilomètres sur une rivière dans une grotte géante, réussi à s'endormir sur une poche de riz au beau milieu de l'allée dans un autobus, failli sacrer le camp en bas d'une chute de 120 mètres de haut (je pense qu'elle aurait fait mal, celle-là), bu un café (oui, j'ai bu un café), mangé vraiment beaucoup de riz, payé 1,80 $ pour une nuit dans un bungalow sur le bord d'une rivière (un record de pas cheration ou pas chérature), gardé ses vêtements pour aller se baigner (faut bien s'intégrer à la culture locale) dans les eaux bleues et chaudes d'un cratère de 800 mètres de diamètre créé par un météorite il y a genre 700 000 ans, bu un Fanta au lytchee, presque failli dire oui (me semble, oui) à des chauffeurs de tuktuk et de moto qui lui ont offert des "laby boom boom" et des "happy cigarettes" (tsé comme dans vouloir se mettre dans la merde à un endroit où il ne faut pas nécessairement se mettre dans la merde), acheté une bouteille de chasse moustique qui sent la guidoune.

Voilà, maintenant, vous savez tout!

samedi 12 juin 2010

Les douanes et les petites valises

Avant de traverser la frontière entre le Laos et le Cambodge, on m'avait remis une brochure de l'organisme Stay another day, une organisme faisant la promotion du bénévolat auprès des touristes.

Impliquez-vous, qu'ils disaient. Des très beaux messages: aider la communauté, donner à la communauté, redonner à la communauté... Sven n'a plus beaucoup d'argent de côté en sa qualité de gars sans emploi, mais il s'est dit qu'il aimerait bien donner un peu de son temps et de son énergie pour l'émancipation du peuple cambodgien.

Après tout, ce peuple en a bavé et rebavé grâce au génie d'un certain Pol Pot.

Je suis plongé dans ma lecture quand nous arrivons à la frontière. Un peu clownesque comme mise en scène.

Nous nous dirigeons vers le poste de contrôle de la dounane laotienne. Le petit monsieur derrière la fenêtre s'assure que tout le monde est légal. Tout est beau, mais il faut passer à la caisse. Chaque touriste quittant le pays doit donner un dollar au contrôleur. Pourquoi? Pour avoir estampillé "USED" sur le visa.

Tout le monde sait que les gens qui exécutent le mouvement consistant à estampiller un document courent un très risque de contracter une surbite (merci Boom Boom).

25 touristes, c'est 25 dollars chèrement gagnés en genre quatre minutes.

Deuxième étape du cirque: l'examen médical dans le no-man's land entre le Laos et le Cambodge. L'examen consiste à prendre un genre de fusil en plastique, le mettre devant le front du client et appuyer sur un bouton. Le gadget révolutionnaire est supposé donner la température du client. Ceux ayant la fièvre ne peuvent entrer au Cambodge. Mais comme tout le monde pointe à 35,6 degrés, le Cambodge ne court aucun danger. Encore une fois "tcheching": 1$ pour "l'examen médical".

À l'instar de son collègue laotien, le commis prend le billet d'un dollar de chacun et le garroche, pour ne pas dire le calisse, dans une grosse valise sur laquelle est inscrit POLICE en grosses lettres.

Troisième station, celle du visa. Tous les touristes remplissent le formulaire de demande de visa à l'arrivée. Coût du visa: 23 dollars américains... dollars auxquels s'ajoute... un autre dollar, qui termine aussi sa course dans une autre belle grosse valise POLICE en cuir.

Techniquement, les touristes faisant application pour un visa doivent fournir une photo format passeport. Important d'avoir une photo, qu'ils écrivent partout dans les guides de voyage. Mais bon, dans les faits, il n'est pas nécessaire de fournir une photo. Vous payez deux dollars de plus et la photo jadis si importante devient soudainement un item optionnel...

Je voyais tous ces dollars terminer leur course dans les valises POLICE... pour une raison que j'ignore, ça m'a fait penser à la brochure que je lisais dans l'autobus. Tous ces beaux concepts d'aider son prochain, de redonner à la communauté, au partage de la richesse... pendant que les coffres de la police s'emplissaient à une vitesse incroyable...

Sven a un défaut: il a tendance à être un tantinet baveux et irrévérencieux... à poser des questions qu'il ne faut pas poser à des gens qui n'aiment pas qu'on leur pose des questions. Que voulez-vous, Sven aime ça voir du monde pogner les nerfs, juste pour le fun de voir les gens pogner les nerfs.

Dans toute autre circonstance, Sven aurait demandé aux policiers si l'argent qu'on leur remettait comme on distribue des bonbons à l'Halloween était retourné à la communauté ou bien s'ils se le crissaient dans les poches à la fin de la journée...

Mais Sven s'est dit qu'il était peut-être préférable de se la fermer (la langue, elle a tourné à peu près 268 fois dans ma bouche), question d'entreprendre du bon pied son séjour au Cambodge et d'avoir le droit d'entrer au Cambodge...

Paraît qu'ils appellent ça la sagesse...

Et paraît que ça ne se guérit pas. Shit!

vendredi 11 juin 2010

Des dents, partout des dents, tout le temps des dents


La vie vous envoie parfois de drôles de signes. Certains sont faciles à comprendre et certains deviennent parfois de véritables mystères.

Le dernier signe que la vie m'envoie entre tout à fait dans la deuxième catégorie. J'ai beau en chercher la signification, mais les réponses viennent aussi vite qu'un escargot sur le prozac. Impossible à interpréter.

Appel à tous, donc Peut-être serez-vous en mesure de m'aider, qui sait. Je l'espère parce que je commence à manquer d'idées. Vous verrez, l'équation n'est pas la moindre.

Savez-vous comment interpréter une surabondance de dents? Je le concède, c'est un peu étrange comme statement. Mais laissez-moi vous expliquer comment ma dernière semaine au Laos a été marquée par une succession d'épisodes impliquant des dents.

Round 1: J'entre dans un commerce pour m'acheter une bouteille d'eau. Déshydraté, je fonce vers le frigo, j'ouvre la porte, mais au moment où je tente de m'emparer de la bouteille, la femme qui travaille dans le commerce m'en empêche, me prend le bras et le dirige vers une cannette de Sprite.

Voyant que mes options sont limitées et que la femme a l'air un peu "retard", le seul son sortant de sa bouche ressemblant plus à un "hehummha" qu'à du laotien, j'obtempère et prend la cannette de Sprite. Mon dernier geste déclencha une explosion de joie chez la dame puisqu'elle me répondit avec le plus beau sourire: cinq dents dans la bouche, trois en haut, deux en bas... et les cinq bien croches.

Le choc initial passé, je paie ma boisson... ce qui redéclenche une autre explosion, encore plus grosse que la précédente. La femme aux oreilles décollées me serre dans ses bras. L'intense étreinte dure deux minutes (je suis conscient que je suis un solide sex-symbol, mais il appert madame que votre réaction est un tantinet prématurée! Un peu de retenue, diantre!) Pendant le fameux deux minutes, la femme me flatte également les bras, me sort l'éventail complet de ses "hehummha" et m'offre la gamme complète de son sourire en notes de piano.

Round 2: Deux jours plus tard, j'embarque dans un autobus direction sud. Comme le veut la coutume quand vous embarquez dans un autobus au milieu du parcours, il n'y a aucun banc libre, et vous devez vous asseoir à quelque part dans l'allée. Cette journée-là, j'ai eu la chance de ne pas atterrir sur une petite chaise de plastique, mais plutôt sur une énorme poche de riz. Cinq heures sans vraiment pouvoir bouger sur une poche de riz, ça endurcit le popotin et ça fait travailler l'imagination... quoi faire pour passer le temps? Observer les gens autour de moi.

Encore une fois, comme si une force quelconque avait voulu que je m'asseoie à cet endroit, j'ai eu la chance de tomber à coté du phénomène assis à ma gauche. Sa particularité: être le king du cure-dents. Je ne sais pas si le type se préparait à une compétition du plus infatiguable cureur de dents, un fait demeure: le type s'est curé les dents pendant 24 minutes! Oui, 24 minutes. Et 7 cure-dents pour passer, repasser et rerepasser de haut en bas, de bas en haut, de gauche à droite et de droite à gauche. Fascinant!

Round 3: Trois jours plus tard, je me retrouve sur l'île de Don Khong, près de la frontière du Cambodge. Alors que je lis un peu sur ma prochaine destination, des centaines de villageois défilent dans la rue, certains en habits traditionnels, certains jouant d'un instrument de musique, certains dansant sur des chars allégoriques. Je m'approche de l'action. Une femme en habit traditionnel fonce vers moi. Elle a manifestement bu un peu trop de laolao (whisky de riz), ce qui explique probablement pourquoi elle emprisonne mon visage avec ses deux mains.

À l'instar de la femme du dépanneur, elle meugle un truc incompréhensible qui ne ressemble en rien à du laotien. Mais ses paroles ressemblent plus à des "hoytopamoyfoceque" qu'à des "hehummha". Son cri m'avait surpris, mais pas autant que l'intérieur de sa bouche: une opaque et épaisse couche à mi-chemin entre le violet ultra-foncé et le gris fumée de pneus en train de brûler couvrait son palais, sa langue, ses dents... un peu comme si elle avait bu 24 litres de slush "sang de truie fermenté". Hummm, ragoûtant!

Round 4: Dernier jour au Laos. Avant de prendre l'autobus pour le Cambodge, je m'arrête pour m'acheter une petite collation: un épi de maïs grillé... un pur délice. La dame responsable du BBQ me donne mon épi. Je paie, elle me sourit... encore une fois, un autre signe. Cette fois, la dame n'a pas de dents. Ironique, non, une femme qui vent des épis de maïs et qui n'a rien dans la bouche pour manger ses épis... chose certaine, elle ne risque pas de manger sa marge de profit.

Alors voilà, les faits sont exposés. Dents, par-dessus dents, par-dessus dents. Ne me dites pas que ce n'est que le fruit du hasard, tout ces gens et leurs dents. Alors. Ça veut dire quoi, toutes ces dents-là?

vendredi 4 juin 2010

Welcome to the Jungle!


Connaissez-vous le village de Ban Nam Goy? À moins que vous ne mentiez ou que vous vous spécialisiez dans les villages de 93 âmes, en pleine montagne, sans électricité et accessible uniquement par rivière, votre réponse sera non.

Comme on dit en bon québécois, Ban Nam Goy est un solide trou perdu dans la vallée de Nam Ha, région montagneuse du nord-ouest du Laos. Et pour s'y rendre, il faut le vouloir.

C'est donc en compagnie de deux guides (l'un parlant anglais, l'autre équipé d'une machette) connaissant la région par coeur que nous nous aventurons dans l'épaisse jungle. Ici, le fait de connaître le bois par coeur est essentiel parce que sans guide ainsi quaifié, vous allez, de un, vous perdre. Et de deux, après vous être perdu, vous allez crier très fort "je suis perdu, ah, je suis perdu, au secours" et vous allez inévitablement attirer toutes les tarentules géantes de la jungle et elles vont vous manger.

Après 40 minutes de transport, la mini-van s'arrête.

- Here, lâche le guide en pointant le sommet le plus loin.
- What's the plan today, my captain?
- Up, up, up, up, up. Then down, then village... six-hour walk
- Perfect, and what about tomorrow?
- Tomorrow, I don't tell you. If I tell you, you don't want to come.

Première constatation, la classe dans laquelle les guides ont appris à mettre les touristes en confiance... bien manifestement, celle-là, notre guide l'a échouée.

En deuxième vitesse et on se upupup le popotin vers le sommet. Après un premier 30 minutes relativement relax, le guide à machette nous offre chacun un beau petit bâton de marche. Le plus téméraire du groupe fait une face de "j'ai-tu la tronche d'un gars qui a besoin d'un bâton pour monter le tite côte?"

Je lui fais une face de "heille le casse, si le guide te donne un bâton, c'est peut-être parce tu vas en avoir besoin." Évidemment, la suite me donnera raison.

Le trip avec les treks (désolé les anglicismes, mais j'estime que cette séquence se lit mieux en anglais), c'est que c'est un peu comme un épisode de Virginie: les punchs sont toujours impossibles à deviner et chaque épisode est différent.

Parfois dans la jungle, tu te sues le pancréas par les pores tellement l'humidité est accablante. Parfois, il fait 45 degrés à l'ombre. Parfois, tu cales dans la boue jusqu'au genoux.

Et parfois, la côte est "à pic en ta". Et aujourd'hui, la côte est "à pic en ta". 90 minutes sans arrêt dans le Stairway to Heaven de la muerte. De là lutilité du bâton, le casse.

Après 90 minutes de Stairmaster niveau 10 et après avoir mangé avec nos doigts, nous amorçons une série de down, down, up, up qui nous mène à un beau petit ruisseau d'apparence paisible. L'endroit est parfait pour se rincer le visage, le cou, la tête...

- NOOOOO! s'époumonne le guide
- Don't stay there, move, walk, LEECHES!!!

Ah viarge, des sangsues. Partout le long du ruisseau. Pas de chance, il faut longer la rivière pendant 20 minutes. On a tous l'air de beaux casses de bain à regarder nos chaussures et pantalons à toutes les 30 secondes pour enlever cette créature gluante, dégueulasse, rampante et assoiffée de sang... à l'aide du fameux bâton... De là l'utilisé du bâton, le casse!

Après avoir fait la danse de St-Guy (sérieux, c'est qui St-Guy), nous arrivons finalement au village.

La scène est surprenante. Seule la rivière et le minuscule sentier en forêt relient ces gens du reste du monde. Nous arrivons à notre "hôtel", la maison des invités. Ici, pas de belle céramique à 500 dollars pièce. Non, plancher en terre battue et une structure de bois sur laquelle reposent de minces matelas. Et un endroit pour faire du feu et cuire les aliments... comme dans chaque maison dans le village. Et malheueusement pour Paris Hilton, pas de salle de bain en granit. La douche, c'est la rivière. Et la toilette, le style turc brun sale.

L'heure de la douche est un événement. Pendant que les falang (nous) prenons notre douche en nous laissant flotter dans l'eau, le village au complet débarque dans l'eau. Pendant 30 minutes, tout ce qui est humainement possible de laver passe au cash: corps, cheveux, dents, vaisselle, vêtements. L'événement est social, une tradition. À chaque jour, à la même heure, au même endroit, les mêmes villageois.

L'heure du souper a sonné. Nous nous réunissons autour de la mini table en bambou portative (avec les mini bancs qui viennent avec). Un beau souper à la chandelle. Nous mangeons avec l'assistant-chef du village. Un bonhomme de 67 ans né dans ce village et qui y habite toujours.

Le vétéran sort un bouteille de laolao (whisky de riz). Tour à tour, nous nous faisons offir un verre. Pendant que nous buvons la bouteille, nous posons des questions au vieil homme sur la vie dans le village: les tâches dans les champs de riz, la baignade quotidienne, les traditions du village, l'âge du mariage, l'école du village, etc.

Je ne comprends évidemment de ce que dit l'homme, mais pour une raison que j'ignore, je bois les paroles de l'homme... un peu comme si j'étais entré dans un vortex. La seule chose que je vois est le visage du vétéran éclairée par sa lampe frontale. Au tour de l'homme de poser des questions... on change de registre par contre: notre nom, notre âge, notre emploi, notre statut matrimonial. L'instant est magique, unique. Je viens de boire mon sixième verre de laolao, j'ai la gorge bien chaude... la nuit sera bonne.

Avant notre départ le lendemain matin, l'homme du souper amène une boîte de bois: dons pour l'école du village. Avec plaisir.

Malheureusement, nous sommes témoins d'une scène troublante qui rappelle que peu importe où vous vous trouvez sur cette planète, Manhattan ou ce village perdu, l'argent a ce pouvoir de faire perdre la boule aux gens...

La veille, nous avons tous consommé bières et boissons gazeuses. Je dois 34 000 kips (4.50$). Je tends un billet de 50 000 kips, le seul que j'ai, tout en expliquant au guide que le premier 34 000 va à la dame et que le reste va à la caisse de l'école. Les autres membres du groupe font de même: l'argent pour les boissons et la monnaie à l'école. Les villageois ne savent pas quoi faire avec la monnaie, d'autres prétendent que nous devons plus d'argent pour les boissons. Le guide tente de calmer le jeu, sans trop de succès. Il tente d'expliquer que la première tranche sert à payer les boissons et que la monnaie va dans la petite caisse.

Mais leur système de calcul et d'inventaire est inexistant... personne ne peut compter ce que nous avons acheté. Le guide est désespéré. Les villageois s'obstinent entre eux car nous aurions pris des boissons dans des sceaux différents, sceaux possédés par différentes personnes. Ceux à qui nous avons remis l'argent ne veulent pas pâyer les autres villageois qui demandent leur part du gâteau. Ils conservent l'argent et rien ne vas à la petite caisse de l'école. Nous sommes abattus, choqués, surpris, abasourdis. La scène est surréaliste, absurde.

J'ai envie de crier. "Merde, c'est pour éviter des brouilles du genre que l'argent doit aller dans la petite caisse de l'école". Mais nous sommes à des années lumière de percevoir la situation du même oeil. Investissement à long terme vs survie à court terme.

Enfin, nous quittons le village encore sous le choc, mais nous devons reprendre rapidement nos esprits car une petite surprise nous attend.

LEECHES!!!

Les calisses de sangsues. La veille, c'était 15 minutes dans les sangsues... aujourd'hui, c'est deux heures non stop. Deux heures dans des beaux sentiers bien boueux en raison des averses de la nuit dernière, à inspecter nos chaussures toutes les 30 secondes pour voir si ces créatures immondes ne s'en prennent pas à notre peau, à les enlever avec un bâton ou avec une feuille quand elles sont déjà en position "blood sucking", à essayer d'éviter tant bien que mal ces créatures démoniaques.

Après une pause dîner à l'abri des sangsues, mais plutôt au beau milieu d'un village de guêpes, nous retournons vers la rivière et les sangsues. Et comme si c'était pour faire par exprès, nous passons le trois quart de notre temps à marcher dans des sentiers complètements obstrués par la végétation. Parfois par-dessus, parfois en dessous, parfois à travers (dans l'endroit parfois pour se rendre compte que nous ne sommes pas vraiment dans notre élément et que la jungle ne nous souhaite pas vraiment la bienvenue... l'élément étranger qui n'a pas d'affaire là, c'est nous).

Le plus souvent qu'autrement, le guide à la machette n'a d'autre choix que son sortir son instrument et se mettre à l'ouvrage, un véritable Édouard aux mains d'argent, ce type.

Le guide nous avait bien avisé qu'il ne fallait jamais rester immobile dans un sentier infesté de sangsues. Mais on fait quoi quand il ne faut pas rester immobile et qu'on ne peut avancer pour cause de pas de chemin? On saute sur place en faisant bien attention pour ne pas mettre les pieds sur les putains de sangsues.

Ok, si on m'avait filmé à l'action dans la jungle, j'aurais eu l'air d'un beau tata à Drôles de vidéo. Pis après? L'épisode de la sangsue dans la jungle m'a permis de devenir un véritable pro à Danse Revolution.

Et quand un jour je serai sacré champion du monde de Danse Revolution, j'aurai une petite pensée pour les #%#$&??$& de sangsues du nord du Laos.

jeudi 3 juin 2010

Si Cléopâtre avait élevé les éléphants


Pensez au bain parfait. Problablement qu'en tête de liste, vous pensez aux fameux bains de la reine Cléopâtre. Un immense bain de lait d'ânnesse légèrement tiède dans lequel se prélasser pendant des heures. Le bain idéal pour avoir la peau douce, satinée et sans impureté.

Parlant de peau douce, satinée et sans impureté, avez-vous déjà vu la peau d'un éléphant? Si oui, well, vous savez à quel point la peau de cet animal est tout sauf douce, satinée et sans impureté.

La substance est difficile à décrire: un genre de cuir mi-chaud mi-froid très poilu, très rugueux et très sale en permanence.

Personnellement, je suis convaincu que l'éléphant est un animal raffiné et coquet qui aime les bons petits plats (il ne mange que les feuilles les plus fraîches)et qui aime les bons soins de la peau... ce qui explique son amour pour la baignade en rivière et s'aroser le boby-body avec sa trompe.

Mais l'éléphant a oublié un léger détail et c'est là que Cléopâtre aurait pu changer le cours de l'histoire des pachydermes. Si Cléo était devenue éléveuse d'éléphants au lieu de jouer au fefesses avec César, elle aurait montré à l'animal l'importance de se baigner dans un liquide propre.

Les éléphants en auraient redemandé et pour répondre à la demande, Cléo aurait créé une horde d'éleveuses d'éléphants et ses enseignements sur les soins corporels auraient traversé les âges.

Malheureusement, ce scénario de rêve ne s'est jamais matérialisé pour l'animal qui doit maintenant se contenter d'eaux sales.

Je savais que l'éléphant se baignait dans ces eaux tout sauf limpides quand, en compagnie de mes compagnons d'expédition, nous avons conduit, sur le dos de l'animal, l'éléphant à la rivière pour le bain de l'après-midi.

J'ai eu l'honneur d'être sur le plus gros éléphant du groupe. Mais qui dit plus gros animal dit plus gros "toute". J'espérais un éléphant propre de sa personne à la rivière. Je lui flattais la tête en lui racontant les histoires de Cléopâtre et en lui disant que j'allais lui donner le plus gros os s'il était gentil. Rien ne suffit à convaincre ma bête.

À la seconde où il a mis les pattes dans l'eau, les valves se sont ouvertes: un jet de pisse aussi puissant qu'un boyau de pompier (quand ton engin fait trois pieds de long par huit pouces de large, tu entres dans une catégorie supérieure de pisseur professionnel)pendant près d'une minute et neuf belles balles vertes grosses comme des noix de coco. Ploc, ploc, ploc (et non plouc... plouc, c'est pour les livraisons humaines... quand ce qui sort de ton anus pèse cinq livres, ça fait ploc dans l'eau!)

Et ainsi s'exécutèrent aussi ses compagnons à leur entrée dans l'eau. Bon appétit! Et que le fun commence!

L'animal se fait aller la trompe pendant que je suis sur son dos. Les boules vertes flottent et s'approchent dangeureusement de mon pied (25 pouces... 15 pouces... 10 pouces... 5 pouces). Je ne sais pas trop où est le pipi, mais il est clairement dans les environs.

-Tasse toé, dude, il y a de la marde qui flotte partout....

Peine perdue...

Qu'à cela ne tienne, l'éléphant se "baigne" et je suis l'héritier de 90% de l'eau qui sort de sa trompe. L'éléphant trippe. Moi aussi, mais je tripperais un peu plus si je n'étais pas entouré de 17 boules de marde!

Petit conseil, si vous participez un jour à l'activité (que je recommande fortement), n'ouvrez pas la bouche pour crier à vos amis que vous venez de vous faire splasher solide... l'éléphant est probablement en train de préparer sa prochaine livraison et vous risquez de vous rincer la bouche avec autre chose que du Listerine. En toute circonstance, la bouche fermée et respirez par le nez.

Autre conseil, à votre retour à l'hôtel après votre petite expédition, lavez-vous au PC. Vous ne sentirez peut-être pas à quel point vous sentez mauvais. Mais après vous être fait asperger d'eau au moins 50 fois, vous être fait envoyer l'air fétide de la trompe une bonne trentaine fois et vous être fait éternuer dessus, je confirme que vous sentez la charogne.

Désolé Cléo, j'ai fait ce que j'ai pu...

dimanche 30 mai 2010

Les Elvis Gratton sont en ville


Vous pensez sûrement tous que la Floride est l'endroit dans le monde où l'on compte le plus d'Elvis Gratton au pouce carré, en raison de l'abondance de touristes québécois.

Vous avez tout faux. De un, l'Elvisme Grattonisme n'est pas uniquement propre au Québécois moyen. Il s'agit d'un mal frappant le mâle à testostérone de tous les pays du monde. De deux, si vous pensez que la Floride remporte la palme, c'est que vous n'avez jamais mis les pieds du côté de Vang Vieng, au Laos.

Il y a quelques années, Vang Vieng est devenue, en raison de la situation géographique incroyable (derrière la rivière qui traverse la vile, on retrouve d'immenses formations karstiques, et ce, sur des kilomètres), un incontournable pour les "backpackers" de partout dans le monde. Mais en raison de l'afflux démesuré de touristes, la ville a eu peu perdu son âme de typique village laotien pour devenir une ville de party, ou devrais-je plutôt dire de débauche, où les mets auxquels on ajoute des substances illicites (si vous voyez ce que je veux dire) sont la norme dans les restaurants de la ville.

Tout touriste traversant le Laos a rencontré sur son passage au moins un autre touriste qui ne connaissait qu'une seule chose à propos du Laos: "Vang Vieng est la ville pour se péter la face".

Évidemment, toute personne dont l'objectif unique est de se péter la face en visitant un pays est une personne cool, très cool. Et c'est probablement ce qui est le plus fascinant à Vang Vieng: la très grande concentration de gens très cool.

Être cool est un état d'esprit, un trait de personnalité. Certains l'ont, d'autres pas. Mais quand tu es cool, tu n'as pas besoin de te forcer pour rester cool... tu es cool.

Sauf que le cool à Vang Vieng, en raison de l'omniprésence du cool moyen, ne se trouve pas assez cool. Il est insécure dans sa coolitude. Et qu'est-ce qui arrive quand le cool tente de devenir un hyper-cool-chill-yo-relax-dude-fuck-wasted-man-wicked-top-mega-double-cool-rechill-reyo pour être plus cool que le cool de l'autre côté de la rue?

Il s'attrique comme un gros colon qui essaie désespérement d'attirer l'attention... et il devient un Elvis Gratton!

Et comme Vang Vieng n'est pas exactement Tokyo en terme de dimension, croiser l'Elvis est une tache relativement facile... en fait, c'est impossible de ne pas voir l'Elvis en action.

L'Australien cool étant trop commun (généralement celui qui ressort du lot en raison de son abondance et sa similitude: petit blanc-bec de 19 ans qui pèse 142 livres mouillé, qui se promène en bédaine et qui marche les bras bien écartés du torse comme s'il pesait 195 livres de muscle et qui balance bien cette absence de muscle et de pilosité... à moins que ça ne soit une technique d'aération pour les aisselles), je vous ai préparé un top 7 de mes Elvis préférés. Pour fin de précision, je vous indique tout de suite que je ne vous indiquerai pas que mes tarzans étaient en bédaine dans la rue... tous les cool sont en bédaine à VV.

- Un grand Indien de 6'4" qui emprunte la démarche d'un robot et qui a des barres de crayon partout dans le visage.

- Son pote indien qui avait tout plein de trucs écrits en rose fluo sur sa poitrine, son abdomen et son dos... pas eu le temps de lire le roman, mais ça me semble clair que c'était du Voltaire.

- Un autre sympathique Elvis qui aimait les trucs sur son haut du corps. Mais ce dernier a poussé la limite un peu plus loin. Pas de crayon rose. Trois grosses cannes de peinture en "spray" sur les trois mêmes parties de son corps: une noire, une blanche et orange. But de l'opération. Recréer le pelage du tigre. Paraît que Les Deux Filles Le Matin ont déjà dit que la peinture en spray est excellente pour faire respirer la peau. Bravo Tiger!

- Un ninja des temps modernes qui a pris les décorations en coton accrochés aux rideaux de sa chambre d'hôtel (bout de corde de deux pieds de long avec une boule en coton avec des petits cheveux qui pendent au bout... vraiment laid, en passant), qui les a transformés en "nunchaku" et qui les fait aller dans la rue... vraiment eu peur de ce dude.

- Deux génies en costumes de bain rose fluo ... longueur boxer, donc à la mi-cuisse. De style et de couleur très cauchemar années '80. Le tout accompagné de coupes de cheveux "bleachée" indescriptibles. Indescriptibles, mais surtout très laides. Tellement laides qu'à côté, le turbo Longueuil passe pour le nec plus ultra du bon goût, de la classe et de l'élégance. Sérieux, ceux-là, je pense qu'ils pensaient être cool, mais ils avaient l'air tellement fif que même les gars de Village People leur auraient dit non en entrevue.

- Monsieur rodéo. Généralement, quand on prend un tuk tuk, les passagers sont dans la cabine et les bagages sont sur le toit. Pas Monsieur rodéo. Lui, c'est le contraire, il est debout sur le top du véhicule, devant les bagages, et est aggripé à une corde attachée au devant de sa monture et qui crie après le chauffeur d'aller plus vite. Vraiment hilarant. J'en ai encore d'intenses douleurs à la rate...

- Mon top du top. L'homme aux trois dessous. Un boxer, un bermudas et un pantalon psychédélique aux 5757643495 couleurs et motifs. Un peu chaotique comme agencement? Pas vraiment parce que les trois sont placés de manière à ce que l'on voit bien la couture des trois dessous... très symétrique en plus et le pantalon est à la hauteur des genoux et il peine à avancer. Pour compléter le tout; des boucles d'oreille en papier en forme de papillon et des lunettes gossées dans un ceintre blanc avec évidemment pas de verres dedans. Et évidemment trop gelé à 11:30 AM pour se rendre compte qu'il avait échappé son t-shirt 50 mètres avant.

... une chance qu'il y avait les montagnes!

samedi 29 mai 2010

Le malade mental


Suivant la recommandation de deux touristes dans l'autobus de Phonsavanh à Vang Vieng, le choix de l'hôtel à Vang Vieng s'arrêta sur Le Jardin Organique.

L'emplacement idéal: au bord de la rivière et le balcon de la chambre donne directement sur les immenses et majestueux pics karstiques qui caractérisent la région. Le décor parfait. 50 000 kips pour la chambre; le tarif est excellent.

Tout semble parfait, sauf une chose... le personnel ne semble pas des plus sympathiques. Au contraire, faire faire la visite de la chambre semble une corvée pour la femme du propriétaire. Bof, rien de grave. Et le propriétaire, lui? Un gros air bête qui ne sourit pas et qui donne du fil à retordre aux employés qui travaillent à la construction de nouvelles unités. Bof, rien de très grave.

Sauf qu'il y a un pas entre être un gros air bête qui ne sourit jamais et qui sait répond à peine à votre salut et devenir un fou furieux qui ferait passer pour un petit chaton tout inoffensif l'Enragé qu'est Michael Douglas dans le film du même nom... Malheureusement pour moi, le pas à franchir, ce débile à insérer dans une camisole de force l'a franchi avec ses grosses bottes sales pleines de boue. La victime de cette crise magistrale, moi... évidemment.

Après la quatrième nuit passée au Jardin Organique, il est temps de quitter les lieux pour se rendre à Vientiane, prochaine destination sur l'itinéraire.

Deux compagnons de voyage hollandais rencontrés à Phonsavanh et habitant au même hôtel me racontent qu'ils ont réussi à faire passer le prix de leur bungalow de 80 000 à 65 000 kips la nuit... tout en ayant promis aux propriétaires de rester trois nuits, de payer pour la lessive et d'acheter des bières et autres boissons...

Pas vraiment l'intention de faire baisser le prix de 15 000 kips la nuit, mais si je suis capable de faire baisser le prix de 5000 kips la nuit, je serai ravi. Après tout, le marchandage est de coutume en Asie. Même dans les hôtels et il m'est même arrivé à quelques reprises de me voir offrir un rabais par les propriétaires sans l'avoir demandé.

Au moment de sortir les billets, je demande à la femme si elle peut baisser le prix de la chambre, tout en insistant sur le fait qu'ils ont offert un rabais à mes compagnons hollandais. Je m'attendais à un oui ou à un non. Pas à un non suivi d'excuses débiles du genre: ils n'ont pas la télé et la climatisation (euh... moi non, plus). En Asie, le marchandage se fait généralement avec le sourire parce qu'il s'agit d'un jeu. Mais là, ce n'est pas un jeu du tout. La femme au sourire bien enfoncé entre ses deux fesses crie non, non, non à tue-tête, gesticulant et ayant l'air de plus en plus bête à chaque seconde. C'est beau, c'est non, j'ai compris. Pas besoin de me faire votre plus belle imitation de Godzilla.

Je tends les billets. Maintenant, c'est combien pour les deux yaourts et les biscuits? 22 000 kips, comme d'habitude. Non 26 000 kips. WTF 26 000? 12 000 pour le biscuits et 10 000 pour les yaourts? Non, 14 000 pour les yaourts? WTF? C'est le troisième matin en ligne que j'achète les yaourts à 5000 kips... pourquoi 7000 kips ce matin? En plus d'avoir la bonne humeur d'un 45 gallons de bouze de vache, t'essaies de me faire avaler que l'inflation a fait grimper de 40% le prix des yaourts dans les 24 dernières heures.

Madame, les yaourts sont 5000 kips partout en ville. Non, non, non, c'est 7000 kips.

Ok, grosse folle. Je vais tout simplement aller acheter ma bouffe ailleurs. Je prends les yaourts et les remets dans le frigo. Et je prends les biscuits et les lance sur l'étagère. Erreur fatale de ma part, parce que c'est à ce moment que Hulk arrive dans la mêlée.

Hulks se met à m'engueuler en laotien et à taper sur le congélateur situé à côté de la réception. Une, deux, trrrrrois.... comme à la lutte... Les tapes sur le congélateur fusent pendant que les insultes pleuvent.

-Easy tiger... on se calme. Donnez-moi mon reçu pour la chambre et je vais fouttre le camp au PC.

Le choeur se poursuit. Pendant que la femme me dit que je suis le pire client sur la terre (ses arguments sont un peu flous, je ne pourrais les détailler), Not so easy Tiger prend son cahier d'invités et me crie : "How many nights, how many nights???"

- Euh, quatre, monsieur, dis-je en commençant à élever la voix.

- No good. People stay here one month and don't ask for discount (à voir comment vous réagissez quand on vous demande un rabais, on se demande bien pourquoi les gens ne demandent pas de rabais... et en passant, monsieur, vous avez un peu d'écume sur le bord de la bouche)

C'est beau dude, pas de rabais. Mais la colère du tigre se poursuit. Après avoir lancé son cahier sur le livre, Hulk prend deux bouteilles de bière pleines et fait semblant de me les lancer par la tête. Une, deux, trrrois... Quel calisse de fêlé!

Je n'ai aucune idée si le gars va vraiment me lancer les bouteilles, mais je baisse la tête. Je commence à avoir la chienne. Je recule. Plus je recule, plus il avance avec ses deux bouteilles à la main. Il refeinte de lancer les bouteilles à nouveau. Je recule encore... il va bien finir par en lancer une.

La femme ne sait plus où donner de la tête. En même temps qu'elle tente de calmer son mari, elle me crie que je devrais avoir honte d'avoir lancé les biscuits sur la tablette parce que les Laotiens ne font jamais ça...

Suis-je donc bête. Total manque de civisme de ma part. C'est pas beau de lancer des biscuits sur une tablette, c'est bien mieux de crier après un client et essayer de lui lancer des bouteilles de bière par la tête... Calisse d'épaisse, veux-tu vraiment qu'on réévalue ton échelle des trucs graves vs pas graves pendant que ton mari a encore deux bouteilles de bière dans les mains?

Le géant vert dépose les bouteilles dans la caisse et recommence à taper sur le congélateur en criant parce que je n'ai pas voulu lui acheter de billets de bus, préférant le faire en ville auprès d'une dame sympathique (la dame vendait tout simplement ses billets moins cher que Hulk et quand je lui ai dit que je lui achèterais le billet s'il me le vendait au même prix que la dame, il avait paniqué). Maintenant, il est en rogne à cause des billets. Dude, on appelle ça le capitalisme et la liberté du consommateur. Pas de problème à ce que tu vendes tes billets plus cher qu'ailleurs, je vais simplement les acheter ailleurs. Mais ça, Not So Easy Tiger n'aimait pas ça. Il gueule, gueule, gueule.

Et il s'avance vers moi. Il me pousse avec ses deux mains. J'ai encore plus la chienne. Le gars est un peu trop violent pour moi. Ma banque de patience est à zéro. Je crie à mon tour: "touche moi encore juste pour moi, gros cave, que j'appelle la police. Touche moi juste une autre fois pour voir".

Le gars lève les deux poings comme un boxeur. Sa femme crie pour le dissuader de frapper un de ses clients. Je reste devant lui. Le gars baisse les bras après quelques secondes (je vois que sa cellule du bon-sens vient de se réveiller dans son cerveau), retraite derrière le comptoir et continue à m'engueuler en laotien.

Je suis hors de moi. Je continue à défier le malade mental. "Envoye gros épais, frappe-moi, frappe-moi juste une fois. J'aimerais bien voir ça". Le scénario était déjà fait dans ma tête: un bleu sur mon visage et c'est la plainte à la police et à l'ambassade du Canada.

Je quitte la scène. Mon "fuck you ass hole!" est bien senti, bien puissant et bien profond. Le sien aussi. Mais je m'en fous. L'important est que le malade mental ne m'ait pas mordu... après tout, je suis vacciné contre la rage animale, mais je ne crois pas que le vaccin soit assez puissant pour contrer les morsures de ce malade mental.

PS: Idéalement, vous éviteriez cette histoire et vous n'iriez jamais donner votre argent aux deux fous furieux du Jardin Organique à Vang Vieng. Conseil d'ami.

mercredi 26 mai 2010

La femme vide

Le tuk tuk quitte le terminus poussiéreux de Nong Kiaw. Huit touristes entassés sur la banquette de gauche et huit sur la banquette de droite. Pas une place de libre et des sacs partout dans l'allée. Quatre heures en perspectives très intéressantes pour le trajet en direction de Luang Prabang.

Quelques minutes après notre départ, le conducteur arrête son tuk tuk pour faire monter une famille laotienne, le père, la mère, le jeune fils et le bébé naissant. Le père scrute les lieux... même s'il n'y a pas de place pour la famille, il fait signe aux autres de monter.

Sans hésiter, le femme fonce vers le fond du compartiment pour aller s'accroupir sur le plancher de tôle, bien accotée contre la fenêtre arrière du véhicule.

Quelque chose cloche avec cette femme. Beau temps, mauvais temps, grande ou petite, riche ou pauvre, à pied ou à vélo, au travail, au repos ou dans les loisirs, les femmes laotiennes sourient en toutes circonstances.

Pas elle. En entrant, son visage fixait le plancher pour aller s'écraser dans son recoin inconfortable. Pas l'ombre d'une émotion ne traverse son visage et son regard. Le vide, l'absnce, le néant total.

D'autres femmes, jeunes mères comme elle et vieilles paysannes, pauvres et plus pauvres, font un saut à bord au cours du trajet. Pas d'espace pour elles nons plus. Malgré la situation peu enviable, la vie et la joie de vivre émanent de leur regard. Mais pas dans celui de la femme vide.

Une simple question de fatigue, peut-être? Après tout, la femme a à son cou un poupon qui demande le lait maternel à un rutyme effarant. Non, c'est plus que de la simple fatigue.

Même quand on lui offre, avec insistance, de prendre place sur la banquette, elle refuse, préférant rester au fond de la cabine. Comme si elle allait voler quelque chose à quelqu'un. Même quand elle refuse les multiples offres, elle ne hoche même pas la tête. C'est à peine si elle recule la tête et baisse le menton. Comme si elle avait peur de déranger ou d'offusquer quelqu'un.

Quand on lui offre un peu de nourriture, elle redonne l'offrance à son plus vieux fils. Comme si elle ne méritait pas ces calories.

Une touriste sort son iPod et tend un écouteur au plus vieux. Curieux, mais aussi apeuré et hésitant, le fils finit par se laisser tenter. La touriste place l'écouteur dans son oreille droite. Un beau geste de partage. La session de musique et de danse (la touriste qui danse pour mettre un peu de joie dans la vie du bambin) dure 10 minutes. La femme regarde la totalité de la scène. Pendant une fraction de seconde au tout début, on a presque senti une once de lumière et de joie dans ses yeux. Mais ce semblant d'once d'émotion cède rapidement; la femme retombe dans les limbes.

Non, pas que de la fatigue. Une peur généralisée de prendre quoi que ce soit. Comme si elle ne méritait rien. La femme doit avoir 30 ans, mais elle en paraît 55. Comme si sa vie ne lui appartenait plus depuis plusieurs années. Une vie sacrifiée. Un regard aux 10 000 souffrances.

Le ciel se couvre, l'orage arrive. Nous descendons les toiles sur le côté du tuk tuk pour rester au sec. Les rideaux tombés, la lumière se fait rare à l'intérieur du véhicule. La femme est toujours assise sur son plancher de tôle. Assis sur les banquettes, nos visages sont encore à la lumière. Mais le visage de la femme, cachée bien au plancher, lui, est bien à l'ombre. Dans la pénombre... un peu à l'image de sa vie. La femme semble vouloir se faire encore plus petite. Son regard est fixe. Elle regarde à l'extérieur. De sa position, la seule chose qu'elle peut apercevoir à l'extérieur est la pluie qui tombe. Je me dis qu'elle regarde la pluie au lieu de fixer un vide quelconque.

A chaque fois que nos regards se croisent, le sien atterit au plancher en deux temps, trois mouvements. La fatigue pèse sur ses paupières pendant que la pluie continue de s'abattre à l'extérieur. Systématiquement, à chaque fois qu'elle ferme les yeux, ces derniers se rouvent trois secondes plus tard pour retourner dans de vide infini. Elle se refuse le droit de reposer ses yeux quelques instants. Dormez madame. Évadez-vous. Rêvez quelques instants que votre vie n'est pas qu'une suite interminable de sacrifices.

Aucune photo de cette dame dans le tuk tuk. La moindre des choses est de lui laisser le peu de dignité qui lui reste. Et de toute façon, je n'ai nullement besoin de photo pour me rappeler ce regard aux 10 000 châtiments. Ces yeux vides sont gravés dans ma mémoire à jamais. Je suis marqué à vie par ces deux yeux en amande.

Le tuk tuk arrive à destination. La femme descend du véhicule, le poupon dans un bras, un panier dans l'autre. Son mari ne l'aide pas.

Le femme courbe les épaules vers l'avant, le poupon dans un bras, un panier dans l'autre, le plus vieux accroché à l'arrière de sa jupe. Elle s'éloigne du terminus poussiéreux... se dirigeant lentement mais sûrement vers la prochaine étape de son chemin de croix de vie...