Ça y est, Sven la bédaine reprend du service. Cette fois, il trimbale son sac à dos du côté du Brésil, à Rio de Janeiro, la ville qui fait tant baver avec son rythme, ses montagnes et ses kilomètres de plage, pour être plus précis. De retour en Amérique du sud pour une période indéterminée... que de péripéties en perspectives...
vendredi 4 juin 2010
Welcome to the Jungle!
Connaissez-vous le village de Ban Nam Goy? À moins que vous ne mentiez ou que vous vous spécialisiez dans les villages de 93 âmes, en pleine montagne, sans électricité et accessible uniquement par rivière, votre réponse sera non.
Comme on dit en bon québécois, Ban Nam Goy est un solide trou perdu dans la vallée de Nam Ha, région montagneuse du nord-ouest du Laos. Et pour s'y rendre, il faut le vouloir.
C'est donc en compagnie de deux guides (l'un parlant anglais, l'autre équipé d'une machette) connaissant la région par coeur que nous nous aventurons dans l'épaisse jungle. Ici, le fait de connaître le bois par coeur est essentiel parce que sans guide ainsi quaifié, vous allez, de un, vous perdre. Et de deux, après vous être perdu, vous allez crier très fort "je suis perdu, ah, je suis perdu, au secours" et vous allez inévitablement attirer toutes les tarentules géantes de la jungle et elles vont vous manger.
Après 40 minutes de transport, la mini-van s'arrête.
- Here, lâche le guide en pointant le sommet le plus loin.
- What's the plan today, my captain?
- Up, up, up, up, up. Then down, then village... six-hour walk
- Perfect, and what about tomorrow?
- Tomorrow, I don't tell you. If I tell you, you don't want to come.
Première constatation, la classe dans laquelle les guides ont appris à mettre les touristes en confiance... bien manifestement, celle-là, notre guide l'a échouée.
En deuxième vitesse et on se upupup le popotin vers le sommet. Après un premier 30 minutes relativement relax, le guide à machette nous offre chacun un beau petit bâton de marche. Le plus téméraire du groupe fait une face de "j'ai-tu la tronche d'un gars qui a besoin d'un bâton pour monter le tite côte?"
Je lui fais une face de "heille le casse, si le guide te donne un bâton, c'est peut-être parce tu vas en avoir besoin." Évidemment, la suite me donnera raison.
Le trip avec les treks (désolé les anglicismes, mais j'estime que cette séquence se lit mieux en anglais), c'est que c'est un peu comme un épisode de Virginie: les punchs sont toujours impossibles à deviner et chaque épisode est différent.
Parfois dans la jungle, tu te sues le pancréas par les pores tellement l'humidité est accablante. Parfois, il fait 45 degrés à l'ombre. Parfois, tu cales dans la boue jusqu'au genoux.
Et parfois, la côte est "à pic en ta". Et aujourd'hui, la côte est "à pic en ta". 90 minutes sans arrêt dans le Stairway to Heaven de la muerte. De là lutilité du bâton, le casse.
Après 90 minutes de Stairmaster niveau 10 et après avoir mangé avec nos doigts, nous amorçons une série de down, down, up, up qui nous mène à un beau petit ruisseau d'apparence paisible. L'endroit est parfait pour se rincer le visage, le cou, la tête...
- NOOOOO! s'époumonne le guide
- Don't stay there, move, walk, LEECHES!!!
Ah viarge, des sangsues. Partout le long du ruisseau. Pas de chance, il faut longer la rivière pendant 20 minutes. On a tous l'air de beaux casses de bain à regarder nos chaussures et pantalons à toutes les 30 secondes pour enlever cette créature gluante, dégueulasse, rampante et assoiffée de sang... à l'aide du fameux bâton... De là l'utilisé du bâton, le casse!
Après avoir fait la danse de St-Guy (sérieux, c'est qui St-Guy), nous arrivons finalement au village.
La scène est surprenante. Seule la rivière et le minuscule sentier en forêt relient ces gens du reste du monde. Nous arrivons à notre "hôtel", la maison des invités. Ici, pas de belle céramique à 500 dollars pièce. Non, plancher en terre battue et une structure de bois sur laquelle reposent de minces matelas. Et un endroit pour faire du feu et cuire les aliments... comme dans chaque maison dans le village. Et malheueusement pour Paris Hilton, pas de salle de bain en granit. La douche, c'est la rivière. Et la toilette, le style turc brun sale.
L'heure de la douche est un événement. Pendant que les falang (nous) prenons notre douche en nous laissant flotter dans l'eau, le village au complet débarque dans l'eau. Pendant 30 minutes, tout ce qui est humainement possible de laver passe au cash: corps, cheveux, dents, vaisselle, vêtements. L'événement est social, une tradition. À chaque jour, à la même heure, au même endroit, les mêmes villageois.
L'heure du souper a sonné. Nous nous réunissons autour de la mini table en bambou portative (avec les mini bancs qui viennent avec). Un beau souper à la chandelle. Nous mangeons avec l'assistant-chef du village. Un bonhomme de 67 ans né dans ce village et qui y habite toujours.
Le vétéran sort un bouteille de laolao (whisky de riz). Tour à tour, nous nous faisons offir un verre. Pendant que nous buvons la bouteille, nous posons des questions au vieil homme sur la vie dans le village: les tâches dans les champs de riz, la baignade quotidienne, les traditions du village, l'âge du mariage, l'école du village, etc.
Je ne comprends évidemment de ce que dit l'homme, mais pour une raison que j'ignore, je bois les paroles de l'homme... un peu comme si j'étais entré dans un vortex. La seule chose que je vois est le visage du vétéran éclairée par sa lampe frontale. Au tour de l'homme de poser des questions... on change de registre par contre: notre nom, notre âge, notre emploi, notre statut matrimonial. L'instant est magique, unique. Je viens de boire mon sixième verre de laolao, j'ai la gorge bien chaude... la nuit sera bonne.
Avant notre départ le lendemain matin, l'homme du souper amène une boîte de bois: dons pour l'école du village. Avec plaisir.
Malheureusement, nous sommes témoins d'une scène troublante qui rappelle que peu importe où vous vous trouvez sur cette planète, Manhattan ou ce village perdu, l'argent a ce pouvoir de faire perdre la boule aux gens...
La veille, nous avons tous consommé bières et boissons gazeuses. Je dois 34 000 kips (4.50$). Je tends un billet de 50 000 kips, le seul que j'ai, tout en expliquant au guide que le premier 34 000 va à la dame et que le reste va à la caisse de l'école. Les autres membres du groupe font de même: l'argent pour les boissons et la monnaie à l'école. Les villageois ne savent pas quoi faire avec la monnaie, d'autres prétendent que nous devons plus d'argent pour les boissons. Le guide tente de calmer le jeu, sans trop de succès. Il tente d'expliquer que la première tranche sert à payer les boissons et que la monnaie va dans la petite caisse.
Mais leur système de calcul et d'inventaire est inexistant... personne ne peut compter ce que nous avons acheté. Le guide est désespéré. Les villageois s'obstinent entre eux car nous aurions pris des boissons dans des sceaux différents, sceaux possédés par différentes personnes. Ceux à qui nous avons remis l'argent ne veulent pas pâyer les autres villageois qui demandent leur part du gâteau. Ils conservent l'argent et rien ne vas à la petite caisse de l'école. Nous sommes abattus, choqués, surpris, abasourdis. La scène est surréaliste, absurde.
J'ai envie de crier. "Merde, c'est pour éviter des brouilles du genre que l'argent doit aller dans la petite caisse de l'école". Mais nous sommes à des années lumière de percevoir la situation du même oeil. Investissement à long terme vs survie à court terme.
Enfin, nous quittons le village encore sous le choc, mais nous devons reprendre rapidement nos esprits car une petite surprise nous attend.
LEECHES!!!
Les calisses de sangsues. La veille, c'était 15 minutes dans les sangsues... aujourd'hui, c'est deux heures non stop. Deux heures dans des beaux sentiers bien boueux en raison des averses de la nuit dernière, à inspecter nos chaussures toutes les 30 secondes pour voir si ces créatures immondes ne s'en prennent pas à notre peau, à les enlever avec un bâton ou avec une feuille quand elles sont déjà en position "blood sucking", à essayer d'éviter tant bien que mal ces créatures démoniaques.
Après une pause dîner à l'abri des sangsues, mais plutôt au beau milieu d'un village de guêpes, nous retournons vers la rivière et les sangsues. Et comme si c'était pour faire par exprès, nous passons le trois quart de notre temps à marcher dans des sentiers complètements obstrués par la végétation. Parfois par-dessus, parfois en dessous, parfois à travers (dans l'endroit parfois pour se rendre compte que nous ne sommes pas vraiment dans notre élément et que la jungle ne nous souhaite pas vraiment la bienvenue... l'élément étranger qui n'a pas d'affaire là, c'est nous).
Le plus souvent qu'autrement, le guide à la machette n'a d'autre choix que son sortir son instrument et se mettre à l'ouvrage, un véritable Édouard aux mains d'argent, ce type.
Le guide nous avait bien avisé qu'il ne fallait jamais rester immobile dans un sentier infesté de sangsues. Mais on fait quoi quand il ne faut pas rester immobile et qu'on ne peut avancer pour cause de pas de chemin? On saute sur place en faisant bien attention pour ne pas mettre les pieds sur les putains de sangsues.
Ok, si on m'avait filmé à l'action dans la jungle, j'aurais eu l'air d'un beau tata à Drôles de vidéo. Pis après? L'épisode de la sangsue dans la jungle m'a permis de devenir un véritable pro à Danse Revolution.
Et quand un jour je serai sacré champion du monde de Danse Revolution, j'aurai une petite pensée pour les #%#$&??$& de sangsues du nord du Laos.
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