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samedi 8 mai 2010

Les sentiers pas battus des pays de l'est


Comme le dit le proverbe: "T'as voulu venir dans les pays de l'est, ben t'es dans les pays de l'est." Dans le cas présent, ça devrait plus être: "T'as voulu sortir des sentiers battus, ben t'es dans les sentiers pas battus."

Et comme je voulais vraiment aller dans les sentiers pas battus pour mon périple à Mai Chau, région montagneuse à l'est de Hanoi où vivent plusieurs minorités, j'ai décidé de faire affaire avec Ethnic Travel, une compagnie qui se spécialise dans les tours de type pays de l'est.

Après trois heures de route sur la très spectaculaire route Hanoi - Mai Chau, nous prenons un embranchement à droite et nous amorçons notre descente sur une route de terre qui est probablement absente de tous les guides de voyage et toutes les cartes routières du pays. Nous nous enfonçons dans un solide trou. Et au cours des trois prochains jours, aucune personne à la peau blanche ne traversera mon champ de vision.

Peu importe que la qualité de la route laisse à désirer. Les petites maisons en bois sur pilotis éparpillées à gauche et à droite de la route à chaque 300 mètres et les champs de riz en escalier (ici, le riz sera récolté dans environ un mois, les champs sont d'un vert immaculé) accaparent toute mon attention.

Soudain, apparaît devant moi la majestueuse rivière noire tout en bas de la route. Le plan d'eau est immense et spectaculaire. Nous arrivons à la berge sans avoir croisé un autre véhicule sur la route de terre. L'endroit est désert, ce qui ajoute grandement au charme du trou.

Il n'y a pas de quai. Un bateau nous attend sur la berge à la terre orange-rouille. L'embarcation qui nous attend est dans la même palette: un beau rouille saignant. Il a des trous causés par la rouille sur le pont du bateau. Pas vraiment le type de bateau que l'on emprunte en croisière tout inclus... Va-t-on se rendre de l'autre côté? Le moteur du bateau est un moteau de tracteur reconverti en moteau à bateau, l'engin est un produit du génie du recyclage vietnamien! Pendant que le pilote tente tant bien que mal de faire démarrer son moteau de F1, je dois m'affairer à éloigner le bateau du rivage en poussant sur une tige de bambou dans la vase visqueuse et rouillée. De la vase à l'infini. Le bâton s'enfonce et s'enfonce. Le bout dans mes mains devient de plus en plus court. Je me rapproche dangereusement d'un beau triple vrille avec double saut périlleux arrière face première dans la vase quand le moteur se décide à partir...

La rivière et ses dizaines de bras/tentacules sont entourés de montagnes et il n'y a personne sur le plan d'eau. Seuls au monde. L'endroit est parfait pour avoir le silence absolu. Mais avec ses 130-135 décibels bien lourds, Godzilla, surnom donné au moteur, détruit un peu mon fantasme.

Dans les circonstances, la balade en kayak en après-midi cadre un peu plus dans la logique de l'endroit. Pendant deux heures, seul au monde sur cet immense plan d'eau, voguant d'un bras à l'autre à la découverte des rares traces de civilisation sur les flans de montagne.

Après une nuit dans la maison sur pilotis de l'habitant hmong, place à la découverte des champs de riz de Mai Chau en vélo de montagne. Champ après champ, lot plus vert que le précédent après lot plus vert que le précédent. À perte de vue. La vallée est entourée de formations karstiques.

Tata comme je suis, je me dis qu'il faudrait bien que j'aille marcher dans le champ de riz, pour admirer le tout d'un peu plus près. Chaque lot est séparé par une bande de pelouse sèche surélevée. Je marche sur une bande de pelouse entrecoupée, sur une distance d'environ 10-15 pieds, d'un trou de boue avec un peu d'eau. Après un premier pas facile, je tente une deuxième enjambée. Malheur, le terrain d'apparence solide cède sous le poids de mes 155 livres. Je cale dans la boue jusqu'à la cheville. No big deal, quatre autres pas et je suis sorti du bourbier. Calvaire. Le pas suivant est une catastrophe, je cale jusqu'à la mi-mollet sur la droite et ensuite sur la gauche. Je tente de me sortir de ma marde (sens propre et figuré). Je tire tellement fort sur ma jambe gauche que je perds l'équilibre et mets carrément le pied et la main dans les plantes de riz submergées. Je viens de tuer net, frette, sec au moins six plans. L'éléphant dans un magasin de porcelaine, c'est moi. Sauf que ça devrait plutôt être: le gros cave dans le champ de riz qui écrase les semences sur lesquelles les habitants travaillent depuis au moins trois mois.

Crotté comme un cochon, je réussis finalement à quitter le champ maudit. Je vais ensuite rejoindre mes proches cousins du règne animal, mes amis les canards, dans un trou d'eau sale (le seul dans les environs) pour essayer de faire disparaître les cinq livres de boue collées sur moi. Je rêve d'un savon... qui n'existe malheureusement pas dans mon espace-temps.

Après m'être décrotté (ne pas confondre avec laver... laver signifie être propre... dans mon cas, c'est plus enlever le surplus de marde), pourquoi ne pas se taper un trois heures de marche en montagne dans la jungle par 35 degrés? But de l'opération, traverser la montagne pour aller du village hmong à un village habité par des thai blancs (autre minorité de la région). Quelques mètres après avoir quitté le village hmong, nous nous enfonçons dans l'épaisse jungle. Bonne nouvelle, qui dit jungle dit arbres joufflus et beaucoup d'ombre. Mauvaise nouvelle, c'est probablement dans cette forêt que Dieu a créé le concept d'humidité il y a quelques milliards d'années.

L'ascension est constante et n'accorde aucun répit. Après 30 minutes de montée, je vis une première: j'ai tellement chaud que je suis désormais incapable de dire s'il fait chaud ou froid. J'ai perdu la notion de sensation à la chaleur. Mon corps vient de fermer la switch. Mais il vient d'en ouvrir une autre: celle de la sudation extrême. Je me suis transformé en robinet dégouttant par terre. Je suis capable de régler tous les problèmes d'apprvisionnement en eau sur terre avec ma sueur. La palette de ma casquette devient mon squeegee. J'enlève le surplus d'eau de l'intérieur de mes bras avec la palette de ma casquette. La rivière d'eau sur ma palette fait deux pouces de large par trois pouces de long. Je passe du bras gauche au droit à chaque dix secondes. Ma palette ne suffit plus à la demande. Mes avant-bras se remplissent d'eau en dix secondes. Je sens les goutelettes tomber le long de mes jambes et poursuivre leur chemin vers mes chaussettes et chaussures de marche encore bien boueuses. Chaque fois que je m'arrête pour boire de l'eau, c'est le même modus operandi et le même résultat.

N'allez pas croire que je n'apprécie pas la marche. Au contraire. De un, je suis sur le bord de me suer le pancréas par les pores de la peau; ça fait donc longtemps que toutes les toxines ont quitté mon corps. Et de deux, je sens tellement le Bas-du-Fleuve qu'il n'y a vraiment aucune chance que je me fasse piquer. J'ai une aura de puanteur de 15 mètres autour de moi. An insect-free zone, n'importe quand!

Réflexion de même alors que je suis sur le point de suer des ongles: le gars du village thai qui se fait demander "chez vous ou chez nous?" par une fille du village hmong dans le bar du village hmong a intérêt à répondre chez vous parce que l'envie de faire des bébés risque sensiblement de disparaître après avoir marché le sentier.

Nous arrivons enfin dans le village après trois heures de marche. Le niveau d'humidité n'a pas bougé d'un poil. Tous les chiens jappent après moi, ils sont tous agressifs. Probablement qu'ils n'ont jamais rencontré un être aussi puant. Mais il fait tellement chaud qu'ils n'ont même pas l'énergie de me courir après. La langue à
terre. C'est beau, j'ai compris. Je vais aller me laver et cacher mes chaussures de marche de sorte qu'aucun être vivant ne meure d'asphyxie au contact olfactif de mon mélange toxique.

J'ai initialement confiance qu'ils vont finir par sécher. Mais mon niveau de confiance chute radicalement quand je constate que je suis incapable de sécher après m'être lavé.

Après une deuxième nuit dans la maison de l'habitant, une autre splendide demeure au plancher de bambou où les invités couchent sur le plancher de la salle commune, nous reprenons la route à pied. But de l'opération, traverser d'autres villages thai et des millions de champs de riz. Encore une fois, la beauté du paysage (champs de riz à l'infini et maisons de bois dispersées dans les terres) est renversante.

Malheureusement pour moi, mes chaussures n'ont pas séché d'un poil au cours de la nuit. Ça fait un beau "squiche, squiche" quand je les enfile. Nous quittons le village à 8:00 AM. Le thermomètre oscille déjà autour de 30 degrés et il n'y a aucun nuage à l'horizon. Un soleil de plomb. Aucune brise whatsoever. Nous marchons dans un four. Nous passons d'un village à l'autre. Les habitants nous accueillent toujours avec le traditionnel "Xin Chao" (bonjour). Les buffles arrêtent de brouter la pelouse quand nous passons à leur hauteur et les canards se réfugient toujours dans les champs de riz quand ils entendent nos pas menaçants. Mais dans la troisième heure du pèlerinage, ces aspects hier si charmants perdent aujourd'hui un peu de leur attrait. Malheureusement.

Et contrairement à la veille, je ne sue pas. Avec ce soleil de feu, le tout s'évapore à une vitesse incroyable. L'eau, nous l'avons toute bue et aucun endroit dans les environs pour en acheter. Les crampes aux jambes s'en viennent inévitablement. Heureusement que j'ai ma casquette sale. Sans elle, c'est l'insolation à coup sûr. Même la guide vietnamienne, d'ordinaire si volubile, est silencieuse comme une tombe. Elle conserve ses énergies pour la marche... Chaque pas devient de plus en plus lourd. Ça y est, Sven va mourir d'un coup de chaleur.

Non, Sven ne va pas mourir. Intervention divine.

Je baisse le tête... wow, mes chaussures sont sèches! Et rewow, j'entends les klaxons des voitures. Nous sommes arrivés, le trajet de trois jours est terminé.

Quand recommence-t-on? Anytime!

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