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jeudi 20 décembre 2012

La rue


En voyage, l'un de mes endroits préférés, peu importe le pays que je visite, est la rue. Parce que c'est dans la rue que vous voyez le pays sous son visage le plus authentique. Évidemment, le Pérou ne fait pas exception à la règle.

Premièrement, dans le registre des affaires qui font du bruit: 

a) L'inévitable klaxon, surutilisé à tout bout de champ et pour aucune bonne raison par toute les catégories de conducteurs sans exception aucune  (en passant, amis péruviens, un klaxon n'émet pas de vent qui fait avancer les voitures devant vous par magie... le trafic déjamme quand il déjamme et que vous klaxionniez comme des défoncés ne change absolument rien à la fluidité routière). Si, pour le conducteur péruvien moyen l'utilisation est aussi essentielle que le fait d'inspirer et d'expirer l'oxygène (pour vous donner une idée de l'importance du klaxon ici'dans, j'ai même vu quelques chauffeurs d'autobus ayant installé un bouton de klaxon sur le bras de vitesse, pour le chauffeur de taxi (on en compte environ 220 000 à Lima), il s'agit également d'une stratégie marketing... les coups de klaxon pour "attirer" les clients sur la rue (ou les repousser, selon pas mal n'importe quel gringo avec qui je discute de la stratégie marketing des taxistas).  

b) Les agents de circulation qui jouent du feflette aussi fort que les klaxons et qui pensent vraiment que leurs feflettes changent quoi que ce soit à la fluidité routière.

c) Les camions d'ordures qui passent dans la rue à 6 heures du matin en faisant jouer la Macarena pour que le monde sache qu'il est l'heure de sortir les ordures. Côté marketing, ça, ça torche. Impossible de ne pas savoir que c'est l'truckàvidanges... ya pas encore de discothèques mobiles dans les rues à six heures du matin

 d) Les bonhommes qui font le tour des rues en vélo en parlant dans un mégaphone avec trois tonnes de métal rouillé dans la plate-forme fixée à l'avant du vélo (sérieux, je n'ai jamais su ce qu'ils faisaient réellement parce que 1- je n'ai jamais compris un traître mot sortant du mégaphone 2- je n'ai jamais vu une seule pièce de métal entrer ou sortir du bolide -- j'en déduis qu'ils se promènent pour ramasser du métal pour le recycler.

e) Les sept milliards de chiens errants dans chaque ville entamant un déluge d'aboiements suivant les éternels sentages d'anus collectifs (jamais été dans un pays où les chiens sentaient autant l'anus des autres chiens -- je déduis qu'un chien vivant dans la rue doit bien s'occuper) 

f) Question de concurrencer les poules urbaines, certains Péruviens ont pensé un concept révolutionnaire, la fourrière urbaine à coqs installée sur le toit d'un building downtown (à ceux qui pensent qu'un coq gueule uniquement à 4 heures du matin, détrompez-vous... à 14h00, ça gueule toujours aussi fort qu'à 4 heures du mat.... quoi que l'effet coq est peut-être acentué quand tu as 50 coqs réunis dans la même haute cour... ça doit jouer un peu plus fort du "l'affaire rouge en texture de gras de genou que j'ai sur et sous la tête est plus grossse que la tienne").

Et deuxièmement, dans le registre des affaires qui se vendent (quand je parle de vendeurs de rue, je fais référence aux vendeurs itinérants, donc ceux qui se promènent à gauche et à droite pour vendre, je ne fais pas référence aux gens qui possèdent un commerce donnant sur la rue). Ici, au Pérou, vous avez l'embarras du choix parce qu'à peu près tout se vend ici'dans, à part peut-être un F-35 Lockheed Martin, un navire de guerre et une navette spatiale. Si on prend toujours un train, comme le dit si bien Josélito, on finit toujours par avoir faim ou soif à un moment dans la vie (je crois que celle-là aussi vient de Josélito... il est vraiment trop fort, le mec!). Bravo, donc, à ceux et celles qui nous sustentent de manière quotidienne avec la bouffe de rue, vous avez compris cette portion du code de la vie, vous ferez de bonnes affaires parce qu'il faut toujours boire ou manger.

Je me demande parfois si ceux de la catégorie des affaires qui ne se mangent/boivent pas ne font pas par exprès pour ne pas comprendre le code de la vie tellement certains ont des faces de "quossé que je calisse à essayer de vendre ça". 

Réglons tout de suite le cas des vendeurs d'"artisanat" pour les touristes. Dans le sud du Pérou, l'expression chaque torchon sa guenille prend tout son sens. Deux exemples pour illustrer cette plaie commerciale (à cet égard, si l'omniprésence des vendeurs de gogosses à touristes vous gosse, allez dans le nord, vous devriez avoir la paix). Il y a deux semaines, sur le Lac Titicaca, je descends les 500 marches reliant le village du sommet de l'île de Taquile au port de l'île. En 20 minutes, je tombe sur, au bas mot, 15 vendeuses d'artisanat qui vendent toutes les mêmes gogosses: tuques, chaussettes, chandails, écharpes, bracelets, marionnettes en laine, nappes, alouette. Ça, c'est sans compter les 29 autres vendeuses d'artisanat, vendant évidemment les mêmes calvase d'affaires que les autres, croisées ailleurs auparavant en deux heures sur l'île. Sérieux, ça vous prend-ti une maîtrise des HEC pour comprendre le concept de sursaturation d'un marché? 

Quelques jours plus tard, notre autobus s'arrête en bordure de la route pour nous permettre d'admirer la superbe vallée de Colca qui s'étend au-dessous de nous. Les portes s'ouvrent: 10 kiosques de gogosses back à back sur environ 40 pieds de large. Au menu, la même calvase d'affaire qu'à Taquile:  tuques, chaussettes, chandails, écharpes, bracelets, marionnettes en laine, nappes, alouette. Euh allô???? Vous produisez environ 800 000 tonnes de maïs dans la vallée, ya personne qui a pensé essayer de vendre du blé d'Inde? Quiero blé d'Inde!!! Pouvez-vous plus essayer de vendre les mêmes bébelles? Parce que j'aimerais bien voir la même astie de nappe 25 fois au lieu de juste 10 fois pour être bien certain que je ne veux rien savoir. Déjà que j'ai dû me la faire offrir à peu près 850 fois à simplement marcher dans les rues de Cuzco, Puno et Arequipa (une chance que je n'ai pas fait le tour des 65939683 boutiques-souvenir des mêmes trois villes). Senor, que busca? Quiero variedad... V-A-R-I-E-D-A-D-P-O-R-F-A-V-O-R

Mais aussi surprenant que cela puisse paraître, certains vendeurs d'artisanat semblent y trouver leur compte puisqu'il y a toujours un groupe de retraités français qui doivent chacun avoir 38 petits-enfants que je vois toujours remonter dans le bus avec 22 paires de mitaines et 14 tuques (en passant, chers Cousins, j'aurais quelque chose à vous demander, je vous en implore... pourriez-vous arrêter d'appeler bonnet la chose que l'on se met sur la tête l'hiver pour se protéger du froid? Pour se protéger du froid, ça prend quelque chose de viril, rude et costaud... le mot tuque sonne viril, rude et costaud, il a le profil de l'emploi. Le mot bonnet sonne mou, faible et branlant, aucune crédibilité pour protéger du froid... merci de l'attention portée à ce message).

Évidemment, il ne se vend pas qu'exclusivement des bébelles pour les touristes dans ze street, on fait aussi dans la clientèle locale, avec autant de variété que si vous déambuliez dans les allées d'un Wal M***. De tout pour se mettre sur son 36 (chaussures, cire à chaussures, chaussettes, pantalon, chemise, chapeau, lunettes), de tout pour la voiture (essuie-glace, tapis, tapis de tites boules de bois), de tout pour la maison (balai, porte-poussière, lavette, brosse à toilette, savon), de tout pour sa sécurité personelle (parapluie.... fascinant de voir le nombre de vendeurs de parapluie à l'oeuvre deux minutes après le début d'un averse, ils mettent ça où, sous leur batmanteau?), de tout pour le bureau (crayons, calculatrices, étui à téléphone portable). 

Mais dans ce royaume du tout et du rien, j'ai quand même fait des découvertes, ma foi, tout autant extraordinaires que surréelles. Je voudrais donc, ici, profiter de cette tribune pour rendre hommage aux vendeurs que j'ai rencontrés qui vendaient les affaires les plus fucked up et pour qui j'ai le plus d'admiration parce que je les ais individuellement tous suivis pendant 30 minutes, période pendant laquelle ils n'ont évidemment rien vendu. J'admire votre courage et votre patience à essayer de vendre des affaires qui doivent pas full se vendre. 

1 - Le dude qui vend des passoires (pour les pâtes) 
2 - Le dude qui vend des antennes de lapin pour les TV 
3 - La dudesse qui vend du papier de toilette 
4 - Le dude qui vend du papier à imprimante/photocopieuse 
5 - Le très vieux dude, pratiquement incapable de se mouvoir, qui vend des canes pour marcher ET des classeurs en plastique 
6 - La dudesse qui vend des lacets de chaussure (mais attention, ici, on ne parle pas de 3-4 paires de lacets... on parle d'un panier d'épicerie rempli de lacets -- au bas mot un bon 1000 paires de toutes les couleurs inimaginable). 

Respect, pour faire de votre gros possible pour ne pas tomber dans le piège facile et stupide de la criminalité en travaillant honnêtement. Respect, pour votre patience (ou votre résilience), que je n'aurais tout simplement pas, belle leçon de vie pour, nous, Occidentaux qui avons tout cuit dans le bec et qui avons souvent tendance à l'oublier. Mais, si vous permettez que je vous donne un petit conseil, rappelez-vous de ce que disait Josélito!

dimanche 2 décembre 2012

C'est décidé, Sven déménage au Pérou!


Chers(ères) amis(es) Québécois(se), ça y est; j'ai longuement mûri ma décision. C'est terminé veau, vache, cochon, je vous quitte pour de bon, ayant décidé que le Pérou sera ma prochaine maison.

Soyez sans crainte, ce n'est rien contre vous. Si j'aspire à devenir citoyen péruvien, c'est plus parce que je suis follement amoureux du pays des Incas que parce que j'ai quelque chose contre la terre de mes ancêtres. Bien sûr, certains trucs vont me manquer: les reprises de la Petite Vie à Canal D,  le monde qui reste devant la porte dans le métro et qui veut entrer avant que le monde dans le wagon puisse sortir, les syncopes télévisuelles de Claude Poirier, etc. Mais fais ce que dois, comme dirait l'autre.

Et n'allez pas penser que j'agis sur un coup de tête. Plusieurs facteurs ont évidemment motivé ma décision. En voici quelques-uns. Après cela, vous me comprendrez...

Non, je n'ai pas décidé d'établir domicile dans les hautes Andes parce que, du haut de mes 5 pieds et 10 pouces, je suis plus grand que 99% de la population. J'avoue éprouver un grand plaisir à dominer le Péruvien moyen par au moins une demie tête, mais mon désir tient à beaucoup plus qu'une simple domination au galon.

Et, non, je n'ai pas décidé de déménager parce que je suis viré hippie parti au Pérou en quête d'une quête spirituelle, sur un trip de sacrer ma garde-robe aux vidanges pour mettre les mêmes pantalons bouffons oranges que Patof et me faire pousser une tresse, me taper des cérémonies de bouffage de feuilles de coca avec un gourou sur le Lac Titicaca pour faire semblant d'entrer en communication avec Pachamama et faire des colliers et des bracelets et essayer de les vendre, avec mes semblables, le dimanche, dans des petites rues full pas touristiques pour me donner un genre et, finalement, pas être capable d'en vendre un crisse, même pas pour 25 cennes, parce que peu importe à quel point tu te dis hippie-cool-dans la marge, les osties de colliers et bracelets, on va s'entendre que c'est toute la même calisse d'affaire! Non, j'estime que ce créneau est suffisamment (lire pas mal trop) exploité ici. Pas besoin de manquer d'originalité à mon tour.

Premièrement, je suis dans un pays où il y des Cocinnelles partout (je ne parle pas de l'insecte, mais bien de la voiture). Peu importe où vous allez au Pérou, vous trouverez la voiture la plus hot jamais créée. Et non, je ne fais pas référence à l'épurée et aseptisée aux couleurs poudre avec une astie de fleur sur le tableau de bord pour jeunes professionnelles aguerries lancée à la fin des années '90. Je parle du vrai modèle viril du temps où les gars portaient des favoris virils qui a l'air d'un tank malgré sa petite taille. D'la marde les systèmes anti-pollution, les coussins gonflables et les sièges chauffants et vive la rouille, les portes qui font du bruit quand tu les fermes, les bancs en cuir noirs dans lesquels tu colles du casse quand il fait 40 dehors, les pare-chocs en vrai métal qui flashe au soleil et non en styromousse qui casse à rien et les silencieux pas silencieux. Vieille Cocinnelle avec des vraies couleurs (du rouge rouge, du jaune jaune et du bleu bleu), you tha man!

Techniquement, juste avec ça, ça devrait suffir comme facteur d'établissement permanent, mais il y a beaucoup plus...

Dans mon ôde  à Christian Bégin, j'ai glissé un mot sur la boisson gazeuse nationale du Pérou, le Inca Kola, cette boisson à la couleur jaune fluo et au goût de gomme balloune. Ceux qui n'en ont jamais bu ne peuvent évidemment comprendre... du jaune fluo avec des bulles qui a un goût de gomme balloune... me semble que c'est assez pour vous convaincre. Fuck le jus d'orange, de mangue ou d'ananas fraîchement pressé, je ne carbure qu'à la boisson des Incas. Matin, midi, soir. En plus, on me dit que c'est excellent pour prévenir les caries et guérir les systites. Comment voulez-vous que j'habite dans un pays où il n'y a pas de IK???

La télevision péruvienne fait également partie de mes facteurs d'établissement, plus particulièrement l'émission Combate. Impossible d'aller dans un endroit public en soirée (station de bus, restaurant) sans tomber sur Combate. Tout le monde regarde, c'est donc la preuve que c'est bon, non? Mais pourquoi est-ce si bon? Parce que le concept est tout simplement révolutionnaire, mes amis!!! Dans un coin, on prend des gars de 6 pieds avec des énormes biceps et on les habille en camisole pour qu'on puisse admirer leur musculature saillante. Dans l'autre coin, on prend des filles slim avec des grosses boules et on strappe bien le tout dans du linge serré pour accentuer l'effet spectaculaire du clivage. Bon, certains pourraient dire que ces modèles n'ont absolument rien, physiquement parlant, avec 99% de la population péruvienne. Certes, mais dans la vie il faut arrêter de niveler vers le bas. Ces modèles sont là à la tivi pour donner l'exemple, pour que le peuple aspire à devenir aussi guapos qu'eux... me semble que c'est évident.

Ensuite, on fait affronter les gars contre les filles dans différentes épreuves pour déterminer une équipe gagnante... je vous l'avais dit, le concept!!! Comme un mix entre Au Jeu et Double Défi (enfin, réussi à ploguer Gilles Payer!), identique à la magie de mon enfance... Mais attention, les épreuves sont de loin plus sophistiquées que celles des émissions de mon enfance. J'ai notamment vu un mec devoir manger une patte de cochon froide avec la peau, le gras et l'ongle le plus rapidement possible et un autre de la peau de vache froide dans l'unique but d'impressionner et montrer le côté viril à la chatte en chaleur dans son habit en spandex du côté adverse (parce que, oui, il faut vaincre les filles, mais il faut aussi pouvoir séduire le rival, les brillants concepteurs ont savamment inclus une habile et subtile touche de romance à la chose, la preuve qu'on peut également trouver l'amour sur le champ de bataille, quel beau message pour la société!). On a aussi pensé à la femme émancipée qui a la corde artistique plus développée que la corde Cro Magnon puisque le show, c'est également de magnifiques chorégraphies musicales. Quelle ne fut pas ma surprise de voir les garçons interpréter à merveille un succès des Backstreet Boys. J'en avais la motte dans la gorge tellement c'était beau. Non mais si ce n'est pas avec des bons programmes comme ça qu'on fait avancer une société et fait évoluer les débats (amour et estime de soi), je me demande bien avec quoi on va y parvenir. Oui, Guy Mongrain peut aller se rhabiller avec ses poules et ses enveloppes.

Il y a aussi le Bembos. Ah, le Bembos!!! De quossé le Bembos? C'est la réplique péruvienne au McDonald. Déja, le nom torche! Et on s'assume. Tu vas au Bembos et tu sais très bien que c'est toi qui va virer un ti-peu Bembos si tu manges ici trop souvent. On s'assume aussi dans le design des restaurants: du gros jaune et bleu pétants, comme couleurs de marque, qui fait psychédélique sur les bords avec la devanture de certains restaurants toute jaune avec des trous comme un fromage suisse et le bleu en arrière-plan. Tu vois le resto et tu veux entrer dedans. Et une fois dans le dedans, le paradis. Un paradis où on casse le McDo sur toute la ligne. De un, pour faire changement du McDo, le boeuf goûte le boeuf. Et on ne te met pas des boulettes de fef. No way, des vraies boulettes, comme su'l barbek! De deux, on fait pas mal plus international que le McDo avec, outre les classiques et des burgers à saveur typiquement péruviennes, un burger français, hawaïen et mexicain. Et de trois, c'est plus cher qu'au McDo. America, fuck yeah, on charge plus, mais on sait que le monde va venir chez nous parce qu'on est hot! That's the spirit!!!

Et enfin, le Wong. Encore une fois, de quossé, le Wong? Wong, c'est un Chinois qui a thinké big et qui a ouvert des grandes surfaces au Pérou et où on vend de tout: des cosmétiques, des vélos, du stock pour la cour et la maison, de la bouffe et encore de la bouffe et de l'alcool en masse. Un Wal Mart péruvien détenu par un Chinois! Fort, le gars. Le classique. Au début, en 1942(!), le dude avait... un dépanneur dans le quartier San Isidro à Lima. Maintenant, le groupe Wong est le leader péruvien du supermarché avec, notamment, 34 adresses à Lima. The Peruvian Dream!!! Étant curieux de nature, j'ai naturellement fait ma petite enquête pour en apprendre plus sur cette famille puissante. Et comme moi vous tomberez en bas de ma chaise en apprenant le prénom du dude... roulement de tambour... le mec se prénome... Elvis... Elvis Wong. Si ce n'est pas ça le destin, je me demande bien c'est quoi...

Vous venez me voir bientôt?

lundi 12 novembre 2012

Curieux Bégin is in the house



Comme le contraire serait étragement surprenant, parce que sinon ça serait quoi le but de voyager si on ne voulait pas être dépaysé, quelques phénomènes me marquent depuis mon arrivée au Pérou.

Outre le fait qu'environ huit voitures sur dix dans les rues de n'importe quelle ville est une voiture de taxi (tout économiste sérieux dirait ici qu'il y a un clair débalancement entre la courbe de l'offre et de la demande, créant ainsi un marché faussé et défaillant où le prix d'une course est clairement artificiellement aspiré vers le bas, faisant en sorte que pour se démarquer de la concurrence, une voiture doit sans cesse rouler, brûlant ainsi, en essence, toute marge bénéficiaire), que la moitié des commerçants croisés dans ce pays n'ont jamais de change (agence de voyage, hôtel, restaurant, taxi... sérieux, un chauffeur de taxi sans change, faut le faire en ta...) et font tous une longue face d'exaspération de la mort qui tue du fait que tu viens d'anéantir leurs nombreux autres plans de la journée en quête de change à l'extérieur de leur commence, te faisant pratiquement sentir coupable de demander ton ?#(?*#&*(@ de change, que le nombre de restaurants chinois est anormalement élevé (restaurants où, étonemment, je vois peu d'employés chinois... quoi que n'importe quelle tarte est capable de faire du riz frit au poulet) et que j'ai vu un peu partout des personnes dont le travail (et incidemment le revenu) est de faire monter des gens sur un pèse-personne pour leur faire connaître leur poids (ironie de la chose, je suis tombé sur un techncien-expert en contrôle pondéral à Trujillo qui avait un écriteau sur lequel on pouvait lire "faites attention à votre santé, contrôlez votre poids", qui, du haut de ses 12 ans, pesait environ 150 livres de gras bien mou), ce qui me marque le plus jusqu'à maintenant, ce sont les mannequins. Oui, mannequins comme dans les affaires en plastique sur lesquelles on met des vêtements dans les commerces pour en faire la démonstration.

Confession, j'adore aller me promener dans les marchés dans les pays que je visite. Parce que, comme l'a sûrement déjà dit Curieux Bégin dans une de ses envolées lyriques sur les petits plaisirs de la vie dont on ne se lasse jamais, "visiter un marché, c'est entrer en contact pour vrai avec un peuple, c'est vivre, sentir, toucher, goûter un pays, une culture, une population, un individu, un enfant, l'éclat d'un sourire, l'unicité d'un rire, c'est découvrir des saveurs et des couleurs jusqu'alors inconnues, c'est être à l'écoute des gens et comprendre leurs réalités, leurs aspirations, leurs désespoirs et leurs peines et c'est se laisser toucher et mouvoir par ces bribes d'instantanéité et se rapprocher du vrai sens de la vie..."

Et là, j'ai beau ouvrir grand grand grand mon tiroir de la mémoire, je ne me souviens pas d'être tombé sur un pays où les mannequins dans les marchés fittent autant pas avec la moyenne du vrai monde. Déjà, en partant, la couleur de la peau fitte pas pantoute. Deux choix au menu: blanc-blanc, comme la couleur d'un mur blanc, ou blanc, comme la couleur de la peau d'une personne blanche (mais pas moi en ce moment... avec mes derniers coups de soleil à gauche, à droite, je ressemble plus à un jeu de dames qu'autre chose. Jamais allé en Afrique, mais mon petit doigt me dit qu'on ne retrouve pas beaucoup de mannequins avec la peau blanche au Sénégal. Et on retrouve des mannequins avec la peau "jaune" en Asie (me semble même d'avoir déjà vu un mannequin avec la peau bleue au Japon... sont tellement fuckés les Japonais, God I love those guys!!!). Si on a été capable de forcer Jean Charest à déclencher une commission d'enquête sur la corruption dans la construction, la shop de mannequins est capable de mettre un peu de foncé dans sa peinture.

Et la shape en général... Françoise David pognerait sûrement les nerfs en disant que les mannequins dans nos vitrines québécoises sont faits exclusivement pour dégager une image irréaliste, commercialisante et culpabilisante de la femme. Soit. Mais au moins, on a des mannequins qui ressemblent un peu (déjà la couleur de la peau fitte) à nos filles. Ici, c'est WTF, avez-vous regardé deux secondes dans la rue avant? En partant, les mannequins mesurent tous à peu près 6'5''. On va s'entendre sur le fait que le Pérou n'est pas le pays où Alakazou a réussi à vendre le plus de biscuits qui font grandir. Je mesure 5'10'' et je ne peux m'asseoir droit dans un autobus sans avec les genoux dans la gorge et je suis plus grand que 99% de la population. Lâchez-moi avec vos mannequins de 6'5''.

Idée révolutionnaire pour Curieux Bégin, ici... ça serait vraiment original que tu viennes faire une émission spéciale sur la bouffe péruvienne (en mutation depuis quelques années, vraiment fascinant ce qui se passe côté bouffe ici). En plus, tu serais le premier chef à faire découvrir les saveurs du monde, c'est vraiment un filon inexploité dans l'univers pas assez exploité des émissions de cuisine. Et lors de ta visite exploratoire, tu pourrais faire un side-bar human avec une marchande péruvienne et voir comment elle se sent interpellée par la question des mannequins pas raccord.

Et maintenant l'horizontal... encore une fois, c'est quoi ces shapes-là, batinse? Pour le haut, même Samantha Fox à son peak (ah mon premier fantasme) serait jalouse. Toutes montées sur des méchants rack de boules de la muerte (minimum du 42FF). Pour le bas, même Jessica Alba en braillerait de jalousie chez Claire Lamarche.

Dans un pays où environ 25% de tous les commerçants sont des vendeurs de crème glacée, où chaque plat est accompagné de riz et de patate et où la population carbure au Inca Kola (une boisson gazeuse jaune fluo au goût de gommes balloune... assez space!), on s'entend pour dire que le modèle moyen est pas vraiment raccord avec la gerda de plastique. Évidemment, vu aucune femme péruvienne ne s'approchant d'un iota du modèle projeté après trois semaines.

J'ai ma théorie là-dessus... Selon, c'est ni plus ni moins qu'un complot orchestré par les fabricants de crème glacée et de Inca Kola... ils savent très bien qu'en projetant ce modèle inatteignable, les madames vont manger leurs émotions et vont se bourrer la face dans la crème glacée et dans le Inca Kola, perpétuant ainsi un cercle vicieux.

J'en parle à Curieux Bégin... il voudra sûrement enquêter sur la question pour assouvir sa soif de savoir...

lundi 5 novembre 2012

Martine à la montagne


Il y a les types sauce et les types poulet. Il y a aussi les types eau et les types montagne. Perso, je suis sauce ascendant montagne. Je trippe tellement montagne que je crie Ricola à m'époumonner sur le top du mont St-Hilaire. Et là, je me retrouve au Pérou, pays de la Cordillera Blanca, une portion des Andes comptant 22 sommets de plus de 6000m. Pensez-vous vraiment que j'allais ne pas aller faire mon tour dans les hauteurs pour crier Ricola partout?
Destination, le trek de Santa Cruz. Durée, quatre jours. Cinq heures après avoir quitté le charmant village de Huaraz, nous arrivons à destination: Vaquerio, un pueblo de 5 maisons sur un bout de route où nous attendent, à la pluie battante, nos excellents ânes. De tout le règne animal, l'âne a possiblement le body language de l'animal qui a le moins envie d'exister. Ajoutez à cette moue de succès une pluie battante et un guide qui charge l'animal avec environ 50 kilos de matériel à transporter et vous obtenez un animal dont on peut lire le mot suicide dans les yeux.
Le départ est finalement donné après la fin de l'averse. D'un pueblo à l'autre, on monte, on descend, on monte, on descend. On arrive dans un dernier village où un jeune garçon nous accueille en criant sandwich à tout bout de champ... Je lui donne mon sandwich, le garçon continue à crier sandwich...
On quitte enfin la civilisation (moi, me faire crier sandwich après...) pour entrer dans le parc Huascaran, cette fois accueilli par un ciel bleu et un soleil brillant. On sort la crème solaire... on finit de se mettre de la crème solaire... et il recommence à pleuvoir. Bienvenue dans les hauteurs péruviennes. Non satisfaite d'avoir scrappé notre fun en un temps record, Dame Nature en ajoute une couche et nous shoote de la grêle. Je sens déjà le plaisir parmi les troupes.
La marche se poursuit, ascension plutôt pépère dans la vallée blanche (blanche dans le sens de nuage, pas de montagnes enneigées, ça, on les cherche toujours) au sol bien mouillé, boueux et bouzeux de milliers de bouzes chevalines, bovines et  porcines. Malgré un niveau de concentration bien élevé, entre les roches et les flaques d'eau, pas toujours possible d'éviter ces trop nombreuses mines anti-personnel. Après avoir pilé sur quatre mines, le mal est déjà fait. Je macère déjà dans mon jus de bas. Pas grave, tout ça va bien finir par sécher ce soir au camp parce que la pluie va bien finir par arrêter. Poooouuuaaaahhhh!!!! Pourquoi la pluie arrêterait-elle? C'est beaucoup plus plus drôle de trekker mouillé. Un trek tout sec, ça ne fait pas de bonnes histoires à raconter, alors qu'un trek full bouette, oui. Et on veut des bonnes histoires, donc on veut de la bouette. Et quel plaisir d'arriver au camp de base et de monter sa tente sous la pluie. Au moins, vêtements de rechange, sacs de couchage et matelas de sol seront secs puisque dans un sac, dans un sac de plastique, dans une poche de hockey, sous une toile sur le dos de l'âne (L'arbre est dans ses feuilles, Marilonnn Marilééééé...) Re-poooouuuaaahhh!!!! Évidemment, tapis de sol, sacs de couchage et vêtements de rechange sont plus dans la zone de l'humide que de la zone du sec. Malheureusement pour nous, il est rare qu'il fasse 35 degrés la nuit à 3800m d'altitude... qui veut une pneumonie?
Comme c'était à prévoir, aucun membre du groupe n'a réussi à dormir plus de 30 minutes (perso, j'ai toppé le 5 minutes). Pas vraiment idéal quand on a une ascension de 1000m en partant, mais bon... On a voulu aller dans les pays de l'est, ben on est dans les pays de l'est. On remet notre linge mouillé de la veille et on repart en grand. Je grelotte malgré mes six épaisseurs, je suis sur les hautes, je fais trop de boucane de mouche, mais... MAIS... il ne pleut pas!!!! Youpidelidou. Comble du bonheur, l'épaisse couverture nuageuse s'étant largement levée (ça fonctionne vraiment les prières!), on peut enfin admirer ce que nous étions venus pour voir: les somptueux sommets de la Cordillera Blanca. Frôlant ou dépassant les 6000m, ces masses millénaires d'une beauté infinie nous font nous sentir comme Pierre Lambert quand il se fait donner un char de m**** par Jacques Mercier dans le vestiaire du National dans Lance et Compte 1  après être allé raconter des affaires pas gentilles sur Marc Gagnon à Linda Hébert, comme des moins que rien devant ce spectacle grandiose.
La vue de ces majestées enneigés et glacées nous fait pratiquement oublier l'effort et le souffle se faisant de plus en plus court. Malheureusement, l'effet disparaît lors de l'ultime montée: un pan de roche de 500m sans répit avant d'atteindre Punta Union, le point le plus élevé du trek: 4750m. Shootez-moi dans les veines du Red Bull, du Nutella et de l'Indien Lakota, j'ai besoin d'énergie drelà! Je regarde les autres membres du groupe progresser plus bas: on se ferait clancher par une tortue et on a la face de monde qui s'en va participer à l'enregistrement de Paquet Voleur.
Vers la fin de l'asencion, la honte suprême: on se fait dépasser par les ânes, surchargés et possiblement partis une heure après nous. Mal leur en pris puisque l'âne en chef est victime du parcours full gadoue (savant mélange de boue et de neige) quelques secondes plus tard; ses quatre pattes cèdent et il se retrouve les quatre genoux dans l'escalier de roche. Je ne connais pas grand-chose au cri de l'âne, mais je peux vous garantir qu'il ne gémissait rien par rapport au fait qu'il venait de gagner le million. Avec un tantinet plus de délicatesse que le guide, un autre membre et moi aidons le pauve animal à se relever avant d'atteindre, quelques secondes plus tard, Punta Union. Le suage de casque en valait franchement le coup: une immense vallée s'ouvre devant nous, quatre monts glacés s'élèvent au-dessus de nos têtes alors qu'une lagune aux eaux turquoises sied à nos pieds. Prenez la 40 est jusqu'au bout de l'île de Montréal, à Pointe-aux-Trembles, c'est pratiquement pareil.
Au bout de la vallée, on retrouve Taullipampa, le site de notre camp de base pour la deuxième nuit. Ce soir-là, la nature nous offrira un des spectacles les plus magnifiques qu'il m'a été permis de voir. Sous un ciel complètement dégagé et aux 1000 étoiles, la pleine lune diffuse sa puissante lumière qui réflète sur les glaciers blancs qui nous entourent, donnant à la vallée une luminosité bleue indescriptible. Malgré le froid, ce spectacle me fige à l'extérieur de ma tante, complètement hébété, pendant 30 courtes minutes.
Après un détour (ce qui signifie que les ânes nous ont encore dépassé -- 3 en 3 --, n'ayant pas pris le détour) vers une autre lagune turquoise le lendemain (on se lasse rapidement de ce décor puisque le truc qui m'a le plus marqué ce matin-là a été de voir une vache morte dans une toilette de fortune en bordure du sentier -- sérieux, il faut que j'aie un talk avec le dude qui est allé sacrer la vache dans la toilette, j'ai quelques questions pour lui --) et après un dîner entourés de vaches qui en voulaient étrangement trop à notre sandwich plus ou moins ragoûtant à la mortadelle et à encourager un jeune boeuf fringuant tenter de poutrer une vache trop haute pour lui (sérieux, faut que j'aille me faire tirer aux cartes, il y a trop d'interactions bovines aujourd'hui pour que ce soit un hasard), nous sommes témoins d'un autre spectacle majestueux de Dame Nature en après-midi; la traversée d'un vallée de sable au fond d'une gorge. Rien d'extraordinaire, à première vue. 

Mais le wow prend toute son ampleur quand on apprend qu'il y a à peine quelques mois, cette vallée de sable était en fait une forêt, s'étant complètement faite anéantir par le passage d'une avalanche sur environ trois kilomètres. Du sable à perte de vue avec le cadavre d'un arbre mort ici et là; une marche des plus surréelles dans un décor l'étant tout autant sous un soleil de plomb... qui ne durera qu'un temps puisque sa sympathique cousine pluie froide et laide qui mouille le plancher de la tente et incidemment le matelas de sol et le sac de couchage s'est mise de la partie pour nous faire payer pour cette chaleur et nous faire passer une autre nuit abrégée (heureusement que c'était la dernière nuit en montagne parce que tu réalises que tu as un problème de sommeil quand tu rêves à Marcel Leboeuf dans Chop Suey...)
Après donc une autre nuit à plus virer en rond qu'à dormir (totalement désillusionné de la vie, moi qui me suis shooté chaque soir avec la boisson la moins virile de l'histoire du monde, et j'ai nommé la tisane à la camomille, pour m'aider à dormir... fuck la tisane!), on s'attaque à la dernière journée en théorie facile parce que descente de trois-quatre heures. Mais le défi est un peu plus grand après 5 heures de sommeil en 3 nuits, surtout quand vous marchez trois heures sur des tordeuses. De quossé, des tordeuses? Les tordeuses, ce sont des petites roches pas ancrées dans le sol qui bougent tout le temps quand vous marchez dessus et dont la seule mission dans la vie est de vous aider à vous fouler une cheville. Et ajouter un degré de difficulté qu'on marche à flanc de montagne à environ 100 mètres au-dessus d'une rivière. Un moment d'inattention, une perte d'équilibre, deux tordeuses qui cèdent et vous faites bing koung baf koung belong koung koung beletebeleboel en bas du ravin avec quelques dents en moins. J'avais l'impression de jouer à Punch Out et mettre contre Mike Tyson pendant trois heures; la moindre petite erreur et vous en mangez une ta...
Au final, je ne suis tombé dans aucun précipice et n'ai subi aucun traitement de canal, très fier d'avoir battu les ânes pour une fois et très heureux de pouvoir arrêter de puer dans un avenir rapproché. Pour ce qui est de la pneumonie, je pense pouvoir l'éviter, mais je sens le mal de gorge poindre à l'horizon... heureusement que je voyage toujours avec une boîte de Ricola...

mardi 23 octobre 2012

L'Agneau de Dieu

J'ai toujours été un fan fini des "rides" d'autobus dans les pays en voie de développement. Parce que le potentiel qu'il s'y passe de grandes choses spectaculaires est énorme. Comme un épisode d'Entre Chien et Loup ou des Poupées Russes. Et j'allais vivre ce grand moment de télé à seulement ma 3e ride à Lima.




Petite information utile afin de bien comprendre le pourquoi du comment: il n'y a pas de système de transport public, donc géré par la ville, à proprement parler. On retrouve donc plusieurs compagnies qui assurent un service sur des trajets XYZ à gauche et à droite. Small government! Éric Duhaime serait sûrement content...



Dans le bus, outre les passagers, le chauffeur et les bancs scraps, on retrouve un petit paquet de nerfs qui assure plusieurs rôles en même temps. Comme il n'y a pas de boîte de perception et qu'on peut monter à l'avant et à l'arrière, notre lapin Energizer tilt sans arrêt entre les deux extrémités du bus pour percevoir l'argent des nouveaux passagers. Il annonce également les arrêts aux passagers, à l'aide d'un cri bien retentissant, et fait la même chose en annonçant la destination aux gens attendant l'autobus sur le trottoir, à l'aide du même cri retentissant. Le voir en plein action au beau milieu de l'heure de pointe le matin, dans un bus évidemment bondé de kekun, est tout simplement grandiose. Si vous connaissez un chauffeur de la STM qui se plaint de ses conditions de travail, suggérez-lui un cambio de trabajo à Lima pour deux semaines, il devrait retourner à Montréal assez vite...



Ce matin-là, malgré tout son bon vouloir, notre chaud lapin s'est fait, côté motivation, battre à plate couture par l'envoyé de Dieu. Ayant toutes les caractéristique d'un monsieur qui n'a pas vraiment de caractéristiques, l'homme réussit à se trouver une niche plutôt inconfortable debout derrière le chauffeur, bien coincé entre trois passagers, avant de commencer son plaidoyer.



Mesdames et messieurs, prenez place avec un Journal de Mourial, un gros Pepsi, une boîte de Jos Louis et un ti-chips au vinaigre, "Crisse chu ben", le pestacle va commencer.



Bien que je sois assis à deux bancs de l'agneau de Dieu, j'entends à peu près 4% des mots qu'il débite. L'apôtre a beau vouloir passer son message important, il doit, sonoristiquement parlant, rivaliser avec Madame "la transmission manuelle de l'autobus probablement construit en 1965 et qui n'a pas eu d'huile depuis au moins 10 ans parce que anyway les chauffeurs virils ne mettent pas ça de l'huile et qui a le kreng shaft jammé dans la strap du bering du galliper et qui crisse à 145 décibels rouille contre rouille à chaque changement de vitesse".



Il a beau suer du cassse, rien à faire, la transmission l'enterre automatiquement. J'entends un bout de phrase une fois de temps en temps... "Dio es amor"... J'imagine mal comment ceux qui sont à l'arrière du bus et qui ont la transmission sous leurs pieds entendent quoi que ce soit.



... "Corazon...



Regard rapide autour de moi. Tout le monde a l'air de s'en sacrer comme la même année que nous autres: on lit son journal, on mange, on se fouille dans le nez, on dort, mais on n'écoute pas San Marco.



... "Luz"...



Ce dernier continue à s'époumoner, tentant toujours d'élever la voix un peu plus. Mais au beau milieu de la chorale du lapin Energizer et du chauffeur beuglant les arrêts, de l'intervention d'un apôtre du commerce montant à bord pour nous vendre arachides et maïs soufflé, de l'orchestre de la transmission en Canon de Pachelbel avec la suspension tout aussi à point... Je me demande comment physiquement on pourrait fitter un autre son sans que les murs de l'autobus tombent.



Fermez les yeux et imaginez que vous êtes seul sur une île du Pacifique, n'entendant que le doux souffle du vent et de l'océan vous racontant le refrain sempiternel de la joie de l'immensité pure et chaste des îles. Vos paupières deviennent de plus en plus lourdes, votre tête tombe vers l'arrière absorbée par un cumulus en forme d'oreiller, vous mangez du Philadelphia avec Sophie Faucher. Ça y est, vous atteignez le nirvana...



Whhhooooaaaa!!!!!!!! Freinage brusque, concert insatiable de klaxons. Chaos dans la rue. Mais l'agneau continue son roman fleuve comme si de rien n'était. Imperturbable. Sérieux, dude, ça fait 10 minutes que tu parles, es-tu en train de réciter l'épître aux Corinthiens au grand complet? Autre regard dans le bus, toujours devant un public indifférent...



... "No queremos escuchar"...



Le concert sonore ne cesse de résonner: les fenêtres claquent à chaque bosse, la porte arrière frappe contre les marches sans arrêt, la transmission chante le 4e refrain... Ce que j'auais payé cher pour que le conducteur mette la radio dans le tapis et pour qu'il y ait des poules et un lama dans l'autobus...



... "No sabemos escuchar"...



Suivi quelques secondes plus tard d'un tant attendu: "Senoras, Senores, gracias por su contribucion, Dio te amo". Quelle sera la cagnotte, Monsieur Corbeil? Malgré tous les éléments ayant joué en sa défaveur, San Marco réussit à soutirer de l'argent à environ 8 personnes sur 10 dans le bus. Increible!!! Wow, je suis renversé!!! La première étoile à San Marco!!!



Bravo champion, tu as déjoué tous les pronostics. Mais, petit conseil, la prochaine fois, au lieu de réciter l'Ancien testament au grand complet, fais juste monter dans le bus et dire: donnez, argent, Dieu. Tu pourras monter dans plus de bus et récolter plus d'argent. Anyway, c'est pour une bonne cause...