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jeudi 20 décembre 2012

La rue


En voyage, l'un de mes endroits préférés, peu importe le pays que je visite, est la rue. Parce que c'est dans la rue que vous voyez le pays sous son visage le plus authentique. Évidemment, le Pérou ne fait pas exception à la règle.

Premièrement, dans le registre des affaires qui font du bruit: 

a) L'inévitable klaxon, surutilisé à tout bout de champ et pour aucune bonne raison par toute les catégories de conducteurs sans exception aucune  (en passant, amis péruviens, un klaxon n'émet pas de vent qui fait avancer les voitures devant vous par magie... le trafic déjamme quand il déjamme et que vous klaxionniez comme des défoncés ne change absolument rien à la fluidité routière). Si, pour le conducteur péruvien moyen l'utilisation est aussi essentielle que le fait d'inspirer et d'expirer l'oxygène (pour vous donner une idée de l'importance du klaxon ici'dans, j'ai même vu quelques chauffeurs d'autobus ayant installé un bouton de klaxon sur le bras de vitesse, pour le chauffeur de taxi (on en compte environ 220 000 à Lima), il s'agit également d'une stratégie marketing... les coups de klaxon pour "attirer" les clients sur la rue (ou les repousser, selon pas mal n'importe quel gringo avec qui je discute de la stratégie marketing des taxistas).  

b) Les agents de circulation qui jouent du feflette aussi fort que les klaxons et qui pensent vraiment que leurs feflettes changent quoi que ce soit à la fluidité routière.

c) Les camions d'ordures qui passent dans la rue à 6 heures du matin en faisant jouer la Macarena pour que le monde sache qu'il est l'heure de sortir les ordures. Côté marketing, ça, ça torche. Impossible de ne pas savoir que c'est l'truckàvidanges... ya pas encore de discothèques mobiles dans les rues à six heures du matin

 d) Les bonhommes qui font le tour des rues en vélo en parlant dans un mégaphone avec trois tonnes de métal rouillé dans la plate-forme fixée à l'avant du vélo (sérieux, je n'ai jamais su ce qu'ils faisaient réellement parce que 1- je n'ai jamais compris un traître mot sortant du mégaphone 2- je n'ai jamais vu une seule pièce de métal entrer ou sortir du bolide -- j'en déduis qu'ils se promènent pour ramasser du métal pour le recycler.

e) Les sept milliards de chiens errants dans chaque ville entamant un déluge d'aboiements suivant les éternels sentages d'anus collectifs (jamais été dans un pays où les chiens sentaient autant l'anus des autres chiens -- je déduis qu'un chien vivant dans la rue doit bien s'occuper) 

f) Question de concurrencer les poules urbaines, certains Péruviens ont pensé un concept révolutionnaire, la fourrière urbaine à coqs installée sur le toit d'un building downtown (à ceux qui pensent qu'un coq gueule uniquement à 4 heures du matin, détrompez-vous... à 14h00, ça gueule toujours aussi fort qu'à 4 heures du mat.... quoi que l'effet coq est peut-être acentué quand tu as 50 coqs réunis dans la même haute cour... ça doit jouer un peu plus fort du "l'affaire rouge en texture de gras de genou que j'ai sur et sous la tête est plus grossse que la tienne").

Et deuxièmement, dans le registre des affaires qui se vendent (quand je parle de vendeurs de rue, je fais référence aux vendeurs itinérants, donc ceux qui se promènent à gauche et à droite pour vendre, je ne fais pas référence aux gens qui possèdent un commerce donnant sur la rue). Ici, au Pérou, vous avez l'embarras du choix parce qu'à peu près tout se vend ici'dans, à part peut-être un F-35 Lockheed Martin, un navire de guerre et une navette spatiale. Si on prend toujours un train, comme le dit si bien Josélito, on finit toujours par avoir faim ou soif à un moment dans la vie (je crois que celle-là aussi vient de Josélito... il est vraiment trop fort, le mec!). Bravo, donc, à ceux et celles qui nous sustentent de manière quotidienne avec la bouffe de rue, vous avez compris cette portion du code de la vie, vous ferez de bonnes affaires parce qu'il faut toujours boire ou manger.

Je me demande parfois si ceux de la catégorie des affaires qui ne se mangent/boivent pas ne font pas par exprès pour ne pas comprendre le code de la vie tellement certains ont des faces de "quossé que je calisse à essayer de vendre ça". 

Réglons tout de suite le cas des vendeurs d'"artisanat" pour les touristes. Dans le sud du Pérou, l'expression chaque torchon sa guenille prend tout son sens. Deux exemples pour illustrer cette plaie commerciale (à cet égard, si l'omniprésence des vendeurs de gogosses à touristes vous gosse, allez dans le nord, vous devriez avoir la paix). Il y a deux semaines, sur le Lac Titicaca, je descends les 500 marches reliant le village du sommet de l'île de Taquile au port de l'île. En 20 minutes, je tombe sur, au bas mot, 15 vendeuses d'artisanat qui vendent toutes les mêmes gogosses: tuques, chaussettes, chandails, écharpes, bracelets, marionnettes en laine, nappes, alouette. Ça, c'est sans compter les 29 autres vendeuses d'artisanat, vendant évidemment les mêmes calvase d'affaires que les autres, croisées ailleurs auparavant en deux heures sur l'île. Sérieux, ça vous prend-ti une maîtrise des HEC pour comprendre le concept de sursaturation d'un marché? 

Quelques jours plus tard, notre autobus s'arrête en bordure de la route pour nous permettre d'admirer la superbe vallée de Colca qui s'étend au-dessous de nous. Les portes s'ouvrent: 10 kiosques de gogosses back à back sur environ 40 pieds de large. Au menu, la même calvase d'affaire qu'à Taquile:  tuques, chaussettes, chandails, écharpes, bracelets, marionnettes en laine, nappes, alouette. Euh allô???? Vous produisez environ 800 000 tonnes de maïs dans la vallée, ya personne qui a pensé essayer de vendre du blé d'Inde? Quiero blé d'Inde!!! Pouvez-vous plus essayer de vendre les mêmes bébelles? Parce que j'aimerais bien voir la même astie de nappe 25 fois au lieu de juste 10 fois pour être bien certain que je ne veux rien savoir. Déjà que j'ai dû me la faire offrir à peu près 850 fois à simplement marcher dans les rues de Cuzco, Puno et Arequipa (une chance que je n'ai pas fait le tour des 65939683 boutiques-souvenir des mêmes trois villes). Senor, que busca? Quiero variedad... V-A-R-I-E-D-A-D-P-O-R-F-A-V-O-R

Mais aussi surprenant que cela puisse paraître, certains vendeurs d'artisanat semblent y trouver leur compte puisqu'il y a toujours un groupe de retraités français qui doivent chacun avoir 38 petits-enfants que je vois toujours remonter dans le bus avec 22 paires de mitaines et 14 tuques (en passant, chers Cousins, j'aurais quelque chose à vous demander, je vous en implore... pourriez-vous arrêter d'appeler bonnet la chose que l'on se met sur la tête l'hiver pour se protéger du froid? Pour se protéger du froid, ça prend quelque chose de viril, rude et costaud... le mot tuque sonne viril, rude et costaud, il a le profil de l'emploi. Le mot bonnet sonne mou, faible et branlant, aucune crédibilité pour protéger du froid... merci de l'attention portée à ce message).

Évidemment, il ne se vend pas qu'exclusivement des bébelles pour les touristes dans ze street, on fait aussi dans la clientèle locale, avec autant de variété que si vous déambuliez dans les allées d'un Wal M***. De tout pour se mettre sur son 36 (chaussures, cire à chaussures, chaussettes, pantalon, chemise, chapeau, lunettes), de tout pour la voiture (essuie-glace, tapis, tapis de tites boules de bois), de tout pour la maison (balai, porte-poussière, lavette, brosse à toilette, savon), de tout pour sa sécurité personelle (parapluie.... fascinant de voir le nombre de vendeurs de parapluie à l'oeuvre deux minutes après le début d'un averse, ils mettent ça où, sous leur batmanteau?), de tout pour le bureau (crayons, calculatrices, étui à téléphone portable). 

Mais dans ce royaume du tout et du rien, j'ai quand même fait des découvertes, ma foi, tout autant extraordinaires que surréelles. Je voudrais donc, ici, profiter de cette tribune pour rendre hommage aux vendeurs que j'ai rencontrés qui vendaient les affaires les plus fucked up et pour qui j'ai le plus d'admiration parce que je les ais individuellement tous suivis pendant 30 minutes, période pendant laquelle ils n'ont évidemment rien vendu. J'admire votre courage et votre patience à essayer de vendre des affaires qui doivent pas full se vendre. 

1 - Le dude qui vend des passoires (pour les pâtes) 
2 - Le dude qui vend des antennes de lapin pour les TV 
3 - La dudesse qui vend du papier de toilette 
4 - Le dude qui vend du papier à imprimante/photocopieuse 
5 - Le très vieux dude, pratiquement incapable de se mouvoir, qui vend des canes pour marcher ET des classeurs en plastique 
6 - La dudesse qui vend des lacets de chaussure (mais attention, ici, on ne parle pas de 3-4 paires de lacets... on parle d'un panier d'épicerie rempli de lacets -- au bas mot un bon 1000 paires de toutes les couleurs inimaginable). 

Respect, pour faire de votre gros possible pour ne pas tomber dans le piège facile et stupide de la criminalité en travaillant honnêtement. Respect, pour votre patience (ou votre résilience), que je n'aurais tout simplement pas, belle leçon de vie pour, nous, Occidentaux qui avons tout cuit dans le bec et qui avons souvent tendance à l'oublier. Mais, si vous permettez que je vous donne un petit conseil, rappelez-vous de ce que disait Josélito!

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