On retrouve deux types de douche sur les
plages de Rio de Janeiro. La douche qui nous permet de nous décrotter un peu.
J’écris un peu parce que ces douches de fortune/itinérantes installées au beau
milieu de la plage ne possèdent pas nécessairement un jet très puissant. Donc,
après avoir macéré cinq heures au soleil beurré de crème solaire, période
pendant laquelle vous êtes également vous amuser follement dans la mer et
pratiqué un des 23 000 sports que l’on pratique sur les plages de Rio, vous
avez du sable inscrusté partout, vous collez plus que du Duck Tape et vous
sentez le viarge. Donc, cette douche vous permettra simplement d’enlever le
plus gros du sale et de survivre avant de procéder à un lavage plus en
profondeur une fois à la maison. Ça, c’est la douche classique que tout le
monde connaît.
Mais on retrouve également un second type
de douche sur les plages ici. Celui auquel on a associé, il y a quelques
années, un contenant malléable servant à transporter des biens divers souvent
fabriqué en plastique, en coton ou en fibres synthétiques : le sac… ou bag
en anglais. Oui, on parle bien ici du douche bag.
Malheureusement, ces JerseyShore-wannabe en
puissance ont traversé les frontières et ont établi Rio comme base de travail,
et ses plages comme salle de montre. On retrouve même quelques hipsters à Rio;
pas vu des masses parce que le mouvement semble naissant (on me confirme entre
les branches que le premier Urban Outfitters et American Apparel ouvriront
leurs portes l’an prochain… l’invasion barbare devrait donc continuer à se
répandre dans les prochains mois). Donc, si en tant que Québécois, vous voulez
voyager sans être trop fortement déstabilisés culturellement, sachez que vous
pourrez retrouver certains repères à Rio.
Mais revenons aux douches cariocas. Je
pense ne rien vous apprendre en écrivant que le Brésil, et notamment Rio, est
une terre fertile pour l’industrie de la chirurgie plastique. Le Brésil est le deuxième
pays au monde dans le domaine, derrière les États-Unis. En 2011, il s’est pratiqué
pas moins de 1,44 million de chirurgies plastique au Brésil. Le pays compte
quelque 5000 chirurgiens plastiques, contre 5900 aux États-Unis et 2000 en
Chine, troisième au classement (ouch! l’écart entre le Brésil et la Chine). Dans
tous les stands à journaux, on retrouve un magazine dont le titre est sans
équivoque : Plastica & Beleza (Plastique et beauté). Et le 22e
congrès de International Society of Aesthetic Plastic Surgery aura lieu à Rio
en septembre 2014 (réservez votre place dès maintenant!)
Bref, ici, on aime ça les beaux bodys
bronzés. Et un beau body bronzé, faut montrer ça au peupe! Évidemment, de la
peau, on en voit en ta sur les plages ici. Et le douche bag, lui, ce qu’il veut
monter au peupe, ce sont ses muscles, ses proéminents mussssqquueesss.
Et pour montrer ces belles masses
musculaires du haut du corps au plus grand nombre de gens possible, on ne reste
pas évaché sur une chaise de plage à se faire griller la couenne parce que tu
seras vu par un nombre trop restreint. Tu fais quoi? Tu te promènes, tu bouges
le long de la plage. Et c’est ce que le douche fait.
À Rio, on retrouve sur le trottoir en
bordure de la plage plusieurs séries d’appareils de métal pour s’étirer avant
de courir, jouer au volleyball ou se baigner. Je ne sais pas s’il existe un
règlement interdisant au peupe normal d’utiliser ces appareils parce que ce
sont pratiquement exclusivement les douches à muscles qui rôdent autour de ces
appareils. Évidemment, l’opération « étirement » se fait chesse à
l’air, question que l’on puisse admirer ces suaves gouttes de transpiration
post quatre chin up et la magnifique démarcation musculaire entre cette
poitrine gonflée et ce six-pack d’Hercules ou entre cette épaule charnue et ce
biceps viril.
En action, le douche effectue ses
étirements le plus doucement et langoureusement possible afin de titiller et
d’impressionner sa future proie déambulant sur le trottoir, comme si chaque
étirement avait été étudié en laboratoire pendant trois ans afin d’atteindre le
déploiement musculaire optimal… « si c’est à 45 degrés que mon pipe a
l’air le plus gros, je n’irai pas à 48, faut viser la perfection dans la
vie », m’a confié un douche qui a préféré conserver l’anonymat la semaine
dernière, avant de remonter sur l’appareil pour faire 30 secondes de chin up en
spinning en faisant bien attention de bien faire du bruit de bouche pour
souligner son effort surhumain.
Pendant l’acte entre chaque exercice, le
douche prend bien le temps de se regarder le chesse pour s’assurer que tout est
magnifique et que son six pack est bien exposé. Mais un coq ne regarde jamais
que sa propre crête dans la vie. Il faut qu’il analyse les autres pour
s’assurer qu’il a la plus grosse crête et montrer sa supériorité. On observe le
même phénomène autour des appareils d’étirement. On regarde les chicks passer,
on fait des poses sans faire de poses parce qu’on fait attention pour avoir
l’air un tantinet subtil, on se regarde l’huile de chesse couler, mais on
scrute également la masse musculaire des ennemis en face de nous qui sont
également capable de faire quatre chin up et de pousser sur un poteau de métal
pour faire sortir leurs pipes. Heille, on en fait-tu des affaires en même temps?
On va s’entendre pour dire que toi, mon ami
le D en train de faire des chin up, des sit up sur les machines et des push up
sur le trottoir (sérieux, pourrais-tu plus bloquer le chemin aux piétons?), tu
as développé ta luxuriante masse musculaire en faisant juste ses exercices sur
ces tubes en bordure de la plage. Tes pipes, tu les as gonflés au gym avec des
dumbbells. C’est pas ici que tu t’entraînes et que tu maintiens ta masse
musculaire à flot. Alors, vraiment, à part pour essayer d’impressionner du
monde et péter de la broue avec ta shape, qui, by the way, fait en sorte que
t’as plus l’air d’un cumulonimbus que d’un humain normal, pourquoi tu viens
faire tes étirements chesse à l’air sur la plage? « Pour m’étirer avant de
courir », me confie la même source anonyme. Pour courir??? Je ne suis peut-être
pas Josée Lavigueur avec 22 livres sur l’exercice à mon actif, mais je sais
quand même que si tu veux t’étirer avant de courir, ça serait peut-être utile
que tu étires ton bas du corps. « … », de répondre l’anonyme
soudainement dubitatif. C’est beau, Rambo!
Parce que, oui, le douche carioca court
aussi. Je spécifie le chesse à l’air même si vous commencez à comprendre qu’il
fait pas mal toujours tout le chesse à l’air. Donc, il court, le CÀL’A, sur la
piste cyclable / de course construite entre la rue et le trottoir sur la plage
de Copacabana et celle d’Ipanema/Leblon. À l’instar de Rod dans le premier
épisode de Chest-Bras, la capsule d’entraînement culte sur Tinternet, le douche
carioca fôôôôcusse un peu trop sur le haut du corps et néglige passablement le
bas du corps et, conséquemment, le cardio.
Résultat, un piètre résultat en piste. Fascinant de voir des gars découpés au
couteau peiner à maintenir un rythme de 7 km/h sur du plat sur 5 kilomètres. Je
dépasse la créature aux abdos d’acier, sans trop forcer, pratiquement en mode
marche rapide. Je sens la souffrance dans son souffle rauque et ses expulsions
d’air violentes et saccadées avec la bouche, un peu comme ma source anonyme en
faisant ses chin up.
Heille Fardoche, je te dépasse pratiquement
en marchant et ma cousine de 8 ans te dépasserait aussi, ça va faire le
soufflage d’air comme si tu montais l’Everest avec un sac à dos de 200 livres…
on pousse, mais on pousse égal, ok? À moins que ce soit une stratégie, ça
aussi. Courir lentement, mais faire semblant qu’on sue que le viarge pour
tenter d’impressionner de jeunes nymphettes trop tartes pour se rendre compte
que tu fais par exprès et qu’il est impossible de forcer autant quand tu
avances moins vite en courant qu’un nageur qui fait de la brasse. Peut-être
après tout. Tant qu’à être phony sur le bidule à étirements, je serais pas
surpris que tu joues autant la comédie en courant.
Mais, vous me connaissez, je réussis
toujours à trouver du positif dans le négatif. En fait, je vois beaucoup de
positif à observer les douches de Rio. De un, ils me font beaucoup rire… et on
va s’entendre que c’est très important pour l’équilibre mental le rire dans la
vie. Donc, ils me font rire, me divertissent. Mais leur nudité intéressée m’a
également permis d’en découvrir plus sur la culture du tatouage au Brésil.
J’ai sévi dans plus de 30 pays sur les 5
continents et jamais à ce jour n’avais-je visité un pays où les gens sont aussi
tatoués qu’au Brésil. Aucune statistique officielle à fournir, juste une observation
générale. Une journée sans voir de tatoos, c’est impossible. Et évidemment,
quand on est à proximité de la plage entre des chesses à l’air, on en voit
encore plus. Et quand je parle de tatouage, je parle de tatouage des ligues
majeures. Pour la plupart, on est loin du petit tatoo discret du caractère
chinois de la chance ou un « je t’aime Carole » avec un ti-cœur
rouge… Ici, on joue plus dans le tatoo qui fait un bras, une jambe ou le dos au
grand complet. Tu regardes le tattoo et tu as l’impression de lire les deux
tomes du Comte de Monte-Cristo.
Et idéalement pas juste en noir, on joue
plus dans la palette de peinture Sico au grand complet. Dimanche dernier, un
douche arborait un tattoo à dominance jaune et bleu pour fitter avec ses
chaussures de course… jaunes et bleues… Un douche concept, c’est tellement attendrissant…
On voudrait l’adopter…
Toujours dimanche dernier, curiosité piquée
comme toujours, j’ai chevauché un de ces appareils, libre de douche, pour le
tester et voir si une soudaine envie de me boire des shakes et de me caresser
les pecs allait me prendre. J’adore le concept de pouvoir faire des exercices
en bordure de la plage, ça incite les résidents à faire du sport et à bouger,
concept qui m’est cher. Mais soyez rassurés, nul danger que je me métamorphose,
je vais continuer à faire ces exercices en t-shirt du haut de mes 155 livres
pas de muscles tout en continuant à analyser, avec mon œil d’anthropologue, le
comportement de mes nouveaux amis.